Bien connue dans les pays anglo-saxons sous les termes remote medicine ou wilderness medicine, la médecine en milieu isolé connaît un essor plus récent en France et tend à se structurer depuis 2020. Cet exercice de la médecine se déroule « dans des lieux où il est impossible de respecter l’organisation habituelle des soins telle que recommandée par les sociétés savantes », précise le Dr Théotime Gault, président de la Société française de médecine en milieu isolé (Soframmi). Il s’agit de zones éloignées des infrastructures de santé, des spécialistes, des pharmacies et qui ne permettent pas la réalisation d’examens ou les interventions nécessaires dans les délais habituellement rencontrés dans des conditions optimales.
De l’île d’Ouessant aux zones de conflit
Cette définition assez large intègre des milieux et des réalités très variés puisque l’isolement peut relever de plusieurs types de situations. Il peut d’abord s’agir d’un isolement structurel, lié à la géographie, tel que le milieu insulaire, la forêt tropicale ou le milieu offshore. On rencontre aussi des situations évolutives, comme pour la médecine embarquée. Enfin, un changement brutal de l’environnement comme une catastrophe naturelle ou un conflit perturbant les moyens de transport et de communication constitue une dernière cause d’isolement.
Les maîtres mots sont adaptation et polyvalence
Cette pratique regroupe des médecins poussés par la curiosité à découvrir d’autres milieux et à diversifier leur quotidien. Il y en a pour tous les goûts puisque chaque environnement propose des défis différents et va ainsi demander des compétences particulières. Ainsi, ces praticiens officient notamment dans des dispensaires de Guyane, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française ou sur les îles françaises plus proches, en métropole, comme l’île d’Yeu ou Ouessant. On les retrouve également dans les missions scientifiques menées dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), embarqués à bord de navires de commerce, militaires ou d’avions de ligne, ou encore en milieu carcéral qui constitue par certains aspects un milieu isolé.
Quelle qu’en soit l’origine, l’isolement complique la tâche du médecin et lui impose des défis logistiques et de prise en charge particuliers. Il dispose en effet d’un accès limité aux soins, à la consultation spécialisée, aux examens complémentaires ainsi qu’aux possibilités d’évacuation et d’admission dans un centre hospitalier. La réponse repose sur l’anticipation des risques et demande au médecin de savoir s’adapter aux situations qu’il rencontre. Les maîtres mots restent donc adaptation et polyvalence puisque cela requiert des connaissances en médecine générale mais aussi de savoir réaliser des gestes d’urgence.
Plusieurs stratégies sont prévues pour pallier l’accès limité aux infrastructures, aux ressources et au matériel médical. « Il faut bénéficier d’une formation solide pour faire face à l’imprévu et élaborer des protocoles et procédures adaptés aux milieux », explique le président de la Soframmi. Cela implique également de réfléchir en amont au matériel ou au stock de médicaments à emporter. Enfin, même seul, un médecin s’intègre dans un réseau et bénéficie de moyens de communication comme la télémédecine à travers la téléassistance et la téléexpertise.
« Faire émerger des pratiques communes »
Au Canada ou aux États-Unis, l’organisation de cette médecine est très poussée. « Dans ces pays, on retrouve de larges territoires isolés plus nombreux qu’en France, ce qui peut expliquer le retard que nous avons pris dans l’organisation de cette discipline », détaille Théotime Gault. En France, cette pratique a commencé à se structurer avec la création de la Soframmi afin « de favoriser les échanges entre professionnels et partager les expériences vécues sur le terrain pour faire émerger une communauté et des pratiques communes », explique son président.
Un diplôme universitaire dédié a été créé à l’université de Caen
Ces besoins se traduisent également par la création, cette année, d’un diplôme universitaire de médecine en milieu isolé à l’université de Caen. Il s’adresse à tout personnel médical souhaitant intervenir dans un contexte complexe. Il compte 42 heures de formation au cours desquelles les apprenants sont formés sur l’organisation d’un site isolé, l’exercice de la médecine générale ou d’urgence dans ce type de milieu, les bonnes pratiques en fonction des situations – pour savoir « jusqu’où on peut aller en site isolé », précise le médecin. Ce faisant, il complète la structuration de la discipline en France avant l’étape suivante, « un congrès, on l’espère, l’année prochaine », conclut le Dr Gault.
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