C'est une affaire qui remonte à presque un an. Le 4 juin 2018, Michèle Flechon, dont la maman de 90 ans est hébergée à l'Ehpad Les Opalines de Foucherans (Jura) publie une longue lettre ouverte* sur le réseau social Facebook pour dénoncer la prise en charge de sa mère en fin de vie au sein de l'établissement. Le Dr Pierre-Henri Mailhes, généraliste et coordonnateur de l'Ehpad, est directement visé. Il est notamment accusé par la fille de la patiente de ne pas avoir « entendu les douleurs de sa mère », alors atteinte d'une gangrène à la jambe, selon un reportage diffusé sur France 3 Bourgogne France-Comté. Le texte sera partagé plus de 30 000 fois sur Facebook.
« Lynchage sur internet »
Traité de « salaud » et invité à s'« acheter une paire de couilles », le médecin avait porté plainte pour diffamation et injures publiques. Le procès avait lieu ce matin mardi 14 mai au tribunal de Lons-Le-Saunier au cours duquel, selon nos informations, le praticien a demandé un euro symbolique de dédommagement. Si le délibéré a été reporté au 4 juillet prochain, le syndicat CSMF s'est ému sur Twitter de cette affaire, dénonçant « un odieux lynchage sur Internet ». « Il est intolérable que des propos haineux et infondés nuisent à l’activité du médecin. Très mobilisée sur les questions d'e-réputation, la CSMF appuie la démarche de ce confrère, et appelle à un soutien massif de la profession » communique la Conf'. Par ailleurs, le conseil de l'Ordre des médecins s'est porté partie civile dans cette affaire.
#Révoltés #Réagissons Total soutien à notre confrère, qui a été victime d'une campagne de dénigrement injustifié sur les réseaux sociaux ! Ensemble, mobilisons-nous ! pic.twitter.com/vCmH2GwCfo
— CSMF_officiel (@CSMF_officiel) May 13, 2019
Contacté par Le Généraliste, le Dr Stéphane Attal, généraliste à Saône (Doubs) et représentant de la CSMF locale, tient à alerter sur les dangers d'un tel "lynchage" sur la toile. « Nous sommes ouverts à la critique et la mise en cause mais il existe des moyens juridiques, civils ou ordinaux, plus adaptés plutôt que traîner dans la boue un confrère publiquement » estime-t-il. Le Dr Mailhes serait aujourd'hui « abattu mais combatif ». « Il n'a pas envie que cela recommence », poursuit le Dr Attal.
Dans sa lettre, Michèle Flechon avait accusé le médecin de ne pas avoir mis en place plus tôt un protocole de pousse seringue de morphine pour sa mère souffrante. Elle affirme que le médecin aurait affirmé : "Je suis contre l'euthanasie, c'est philosophique". Des propos niés en bloc par le praticien. « Dans cette lettre tout est faux, même mon nom est faux. Il n'y a rien de juste dans sa lettre, je ne peux pas vous dire mieux et je ne peux pas en dire plus », avait réagi le Dr Mailhes au micro de France 3 à l'époque, refusant de donner plus de précisions pour respecter le secret médical.
La procédure de mise en HAD en cause
Selon les informations données par le Dr Attal, le médecin coordonnateur « ne pouvait pas faire autrement » dans le cas de cette résidente de l'Ehpad car la demande écrite d'Hospitalisation à domicile (HAD), permettant l'administration de morphine par seringue, était entre les mains du médecin traitant et du service d’HAD. Dans cette affaire, un autre médecin, membre de la communauté "Les médecins ne sont pas des pigeons" qui avait partagé et commenté la lettre ouverte de Michèle Flechon a lui aussi fait l'objet d'une plainte ordinale du Dr Mailhes et passera en commission disciplinaire régionale prochainement.
À l'heure où la notation des médecins généralistes et les avis en ligne font polémique, l'affaire de l'Ehpad de Foucherans rappelle toutes les inquiétudes et les questionnements de la profession sur la préservation de la e-réputation.
* Lien disponible avec connexion Facebook
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