Nous sommes considérés comme des incapables…
Un professeur de médecine est-il nommé comme tel sur ses capacités pédagogiques ? De mon temps, certains autodidactes qui en avaient le cœur réussissaient leur mission ; c’est d’ailleurs ces rares là que l’on montre à la télévision pour montrer l’excellence française. Mais un grand nombre… Les étudiants en médecine redoublent rarement, ça coûte trop cher. Autrefois, ils étaient formés par un vrai compagnonnage, maintenant, ils se forment surtout par auto-formation. J'avoue que j'ai eu un enseignement des plus minables, sauf de la part de quelques exceptions. Et par ouï-dire, je pense que c'est toujours le cas. Il faut beaucoup d'audace pour réussir, ne nous étonnons pas du nombre d'accidents.
Hier un de mes vieux cousins était étonné que son infirmière libérale ne faisait pas les prises de sang à domicile. Son médecin a dû lui donner un nom, sans explication déshonorante. Lors de mon hospitalisation il y a 4 ans, j'ai eu affaire à une élève infirmière qui refusait d'apprendre à faire des intraveineuses, car elle avait peur du sang ! On comprend pourquoi une loi stipule un agrément des infirmières auprès des laboratoires pour faire des prises de sang : on permet la formation d'un pourcentage d’incompétents pour ensuite pouvoir contrôler une profession.
Jeune interne dans un service flambant neuf de cardiologie avec soins intensifs, une infirmière vient me voir, car aucune arrivait à piquer un patient. J'appelle le chef de service qui me dit « J'ai jamais fait une piqûre de ma vie, c'est pas maintenant que je vais commencer » ; il fallait poser une sous-clavière, méthode de l'époque ; l'anesthésiste ne savait pas, j'étais seul, il a fallu apprendre tout seul avec un livre !
Étudiant, il était interdit à un externe de voir, encore moins de participer à un accouchement ; mais une fois installé, ça ne l'est plus. Vous vous souvenez sans doute de cette médecin femme de Strasbourg qui avait été appelé par le SAMU pour un accouchement à domicile… La mère, obèse, avait accouché dans la cuvette des WC dans un réduit étroit, le bébé ayant la tête la première au fond de la cuvette, la mère toujours assise sur ladite cuvette. Le SAMU a fait en sorte qu'une plainte soit portée pour non-assistance à personne en danger, cette femme médecin a eu une interdiction d'exercer pendant plusieurs mois jusqu'au non-lieu, le bébé était mort in utero, il n'y avait pas raison de le réanimer. Je suppose que sa carrière a été foutue.
« Le Généraliste » a interviewé en son temps le médecin du Grand-Bourg (Creuse) qui voulait trouver un remplaçant avant de pouvoir partir en retraite. De mémoire, je me souviens que de nombreux postulants venaient, mais faisaient vite demi-tour ; à la question « le SAMU arrive en combien de temps ? » A la réponse de 20 à 30 minutes, la décision était pliée. De mon temps, on avait à disposition des médicaments injectables en IV, ce n'est plus le cas, c'est trop dangereux ; maintenant, on dispose seulement des mêmes outils que les secouristes. Je me souviens encore de ma colique néphrétique… Le temps d'aller à l'hôpital et de respecter les protocoles, en passant successivement par tous les stades des antalgiques, il a fallu souffrir environ 4 heures, miracle de la médecine de pointe.
Cela me fait penser à un dessin humoristique, un accident, un blessé sur le bord de la route, deux médecins incognito qui discutent ; le premier propose de poser une simple perfusion de glucosé. « Mais t'es fou ! Tu veux un procès ? ».
La médecine générale, ce n'est pas uniquement la bobologie, la surveillance paperassière par protocoles des grands problèmes de santé publique actuels ; c'est plein d’imprévus qui nécessitent, à défaut d'apprentissage au cas par cas, de l'apprentissage de compétences efficaces qui semblent loin des préoccupations des politiques.
Car les cas qui sortent de la routine, sont légion et il n'est pas possible de tous les apprendre pour fonctionner comme un robot. Et face à un cas inhabituel, on est bien seul, avec plein de gens incompétents et bien intentionnés qui vous surveillent ; la malchance, ça risque d'arriver à tout le monde, y compris aux plus compétents, le procès n'est pas loin. Ne nous étonnons pas qu'il vaille mieux se réfugier dans une grande ville, voire dans une administration bien au chaud.
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