Annoncé dans le cadre du Pacte de refondation des urgences en 2019, le service d’accès aux soins (SAS) doit apporter une solution à la prise en charge des soins non programmés. Expérimenté sur 22 territoires dans 18 départements depuis début 2021, le dispositif devait normalement être généralisé en 2022. Mais le ministère de la Santé vient d’annoncer la prolongation pour deux à trois mois des expérimentations.
Sur le terrain, le succès de ces expérimentations est très aléatoire selon les sites et le récent rapport de l’Ordre des médecins sur la permanence des soins ambulatoires révèle que le SAS a pu entraîner un report des soins non programmés sur les horaires de PDSA.
En effet, l’enquête du Cnom montre que, suite à la mise en place du SAS, 48 % des départements impliqués* constatent une augmentation de l’activité en horaires de PDSA. Ce glissement s’explique par les consultations effectuées dans le cadre du SAS en fin de journée qui débordent sur la plage horaire de début de soirée des gardes de PDSA (20 heures-24 heures). « Du fait du manque de disponibilité des effecteurs, nous proposons aux patients des créneaux en fin de journée en MMG, ce qui a pour conséquences d’emboliser la PDSA », relate ainsi le conseil départemental de l’Ordre du Rhône.
Des mises en place difficiles
L’enquête de l’Ordre portait également sur l’impact du SAS sur l’accès aux soins. Mais sur ce point, l’immaturité d’un grand nombre de projets SAS rend l’évaluation pour l’instant impossible.
52 % des CDOM se déclarent ainsi dans l’incapacité de se prononcer pour l’instant sur l’impact de la mise en place du SAS. Et pour 29 %, le SAS n’a pas eu d’impact positif sur l’accès aux soins à cause des difficultés de mise en oeuvre. « Bien qu’ils soient unanimes quant à l’utilité d’un tel service, le manque d’effecteurs volontaires complique fortement sa mise en œuvre dans plusieurs départements, comme c’est le cas notamment dans la Somme, le Rhône ou encore le Nord », souligne le rapport.
19 % jugent malgré tout l’impact du SAS comme positif. Les départements notent notamment l’aspect structurant du SAS, la possibilité d’obtention de rendez-vous en dehors des horaires de PDSA ou encore le désengorgement des services d’urgences. « Le SAS permet le plus souvent une réorientation des appels au 15 vers le médecin traitant et permet de trouver une réponse aux demandes de soins non programmés en médecine de ville sans recours aux services d'urgence lorsque cela n'est pas indiqué », relate ainsi le CDOM de la Vienne.
Les ARS ont également été interrogés sur la mise en place des SAS et leur bilan est plus positif pour les territoires où ils se sont effectivement développés. À noter par exemple : dans les Yvelines le dispositif a permis « de proposer des créneaux dans les 48 heures aux patients ayant appelé la régulation du SAS », en Nouvelle Aquitaine « deux beaux projets » en Gironde et dans la Vienne, le démarrage « plutôt bon » en Haute Garonne malgré des difficultés de mobilisation ou en Moselle « une régulation très efficace et opérante », une des deux lignes du 15 étant déjà historiquement occupée par les médecins libéraux.
Ça coince sur la rémunération
Comme le soulignait récemment la confédération des syndicats médicaux français (CSMF) dans un communiqué, « là où les expérimentations ont été menées de façon dynamique et concertée avec les Agences Régionales de Santé, les résultats ont été au rendez-vous ». Mais le syndicat comme le rapport de l’Ordre soulignent que, la rémunération de l’effection dans le cadre du Sas et telle qu’elle est prévue dans le cadre de l’avenant 9 rentré en vigueur au 1er avril, a des conséquences sur l’engagement des professionnels.
« Non conforme à leurs attentes, elle est à l’origine du manque d’adhésion des volontaires dans de nombreuses régions, comme c’est le cas en Bretagne, dans le Grand-Est, en Normandie, en Bourgogne-Franche-Comté, ou encore en Nouvelle-Aquitaine », souligne ainsi l’Ordre. La CSMF évoque de son côté « la sourde colère des médecins régulateurs et des médecins effecteurs, constatant une baisse significative de leurs tarifs si l'Avenant 9 était appliqué en l’état ». Cette dernière appelle donc le gouvernement à réouvrir avant l’été de nouvelles négociations sur le SAS.
Par ailleurs, la mise en œuvre de l’outil numérique de régulation a pris beaucoup de retard. Il est également contesté dans certaines régions comme en Bretagne où certains médecins « préfèrent continuer à utiliser le téléphone ou l’outil informatique développé par l’ARS qui permet de recueillir les disponibilités des médecins via une cartographie accessible par le centre 15 et les médecins libéraux », explique l’Ordre.
Dernier obstacle relevé par le Cnom, le statut juridique. En effet, certains médecins libéraux ne se sentent pas assez protégés juridiquement par le cadre légal du SAS et « souhaiteraient bénéficier du statut de collaborateur occasionnel du service public », explique le rapport.
* 22 conseils départementaux de l’ordre (CDOM) dans 13 régions ont déclaré avoir été impliqués dans la mise en œuvre de l’expérimentation du service d’accès aux soins.
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