Pensez-vous que les généralistes doivent avoir un médecin traitant différent d’eux-mêmes ?
Dr Jacques Morali Pour moi c’est indispensable, d’une nécessité absolue. Mais on est dans une société qui rend libre chacun de ses choix. C’est cependant un souhait profond de l’Ordre pour que les soins soient de qualité. Parce que, même si les médecins sont capables de se soigner eux-mêmes, l’avis ne sera jamais totalement objectif. Un regard extérieur est toujours préférable. La prise en charge est toujours plus facile lorsque c’est quelqu’un d’autre qui le fait. Il faut donc convaincre les médecins.
Une médecine du travail spécifique doit-elle être envisagée ?
Dr J. M. C’est vrai, il n’y a pas de médecine du travail obligatoire pour les médecins libéraux, par exemple. Mais les hospitaliers et salariés, qui en ont une, n’y vont pas. L’automédication est une solution de facilité. Ils ont tout sous la main, ils ont les ordonnances, ils ont fait leur propre diagnostic… et c’est là qu’il serait intéressant de savoir s’ils ne se trompent pas. Les médecins attendent beaucoup le dernier moment pour aller consulter. L’accès aux soins par soi-même est plus simple que d’aller chercher quelqu’un d’autre avec un raisonnement du type : « Je ne vais pas moi-même embêter mon associé pour un petit truc, je vais faire de l’automédication, un peu comme
le font les gens finalement, même si je suis un tout petit peu plus averti qu’un patient lambda... » On peut concevoir ce cheminement et néanmoins avoir un médecin traitant chez qui aller dès qu’on ne se sent pas bien.
Quelles actions mène l’Ordre pour améliorer la santé des médecins ?
Dr J. M. On a déjà mené des actions de prévention expérimentales en Bretagne, à Paris et dans le Vaucluse. En Bretagne, j’ai demandé à l’assurance maladie d’ouvrir les portes des centres d’examens de santé aux médecins, en leur réservant un accueil personnalisé à des horaires qui leur conviennent. C’est le même examen que pour le reste de la population avec en plus un questionnaire spécifique sur l’épuisement professionnel pour faire de la prévention. Ils peuvent aussi choisir leur centre d’examen pour ne pas être mélangé avec leurs propres patients. On s’est tout de même aperçus qu’ils choisissaient souvent le centre le plus proche de chez eux. Ces expérimentations qui durent depuis septembre continuent et nous espérons qu’elles se généralisent petit à petit. J’ai demandé à la Cnamts de le faire en priorité dans les zones où il y a le plus de médecins malades, c’est-à-dire les départements les moins dotés en médecins.
*Médecin généraliste, président du CROM Bretagne et président de la Commission nationale d'Entraide du CNOM et de l'Observatoire pour la santé des médecins
"Un regard extérieur est toujours préférable"
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