Les risques psychosociaux ont mobilisé les débats de l'université de rentrée de l'intersyndicale nationale des internes (ISNI), mi-novembre à Montpellier, signe que cette thématique est devenue une priorité chez les jeunes médecins.
Une enquête d'envergure* révélait en juin dernier des chiffres alarmants : 24 % des carabins et jeunes médecins ont déjà eu des idées suicidaires ; deux jeunes sur trois seraient anxieux contre 26 % dans la population générale ; enfin, 28 % des étudiants en médecine ont une symptomatologie dépressive contre 10 % du reste des Français.
Les internes ont décidé de prendre le problème à bras-le-corps. Depuis 2015, plusieurs cellules « SOS » d'aide aux internes en souffrance se sont mises en place. « Douze villes en ont lancées, comptabilise le Dr Leslie Grichy, psychiatre à l'initiative de la création de la première cellule lorsqu'elle était membre du syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP) et chargée des questions sociales à l'ISNI. Le dispositif repose sur une adresse émail et un réseau de psychiatres hospitaliers ou libéraux en fonction des régions ». Lorsqu'un interne choisit d'envoyer un mail, il est rappelé par l'un des internes du bureau qui l'écoute et le réoriente après évaluation de sa situation. « Au départ, nous avions deux à trois appels par mois. La plupart n'étaient pas des urgences psychiatriques », révèle le Dr Grichy. La charge de travail reste l'un des motifs les plus évoqués.
Déstigmatiser l'appel à l'aide
Sur le même modèle, l'association des internes de Tours (AIT) s'est lancée le 14 novembre, non sans difficultés. « On s'est posé la question de notre légitimité. Et si jamais y a passage à l'acte ? », raconte à ses pairs Aline-Marine, l'une des membres de l'AIT. Autour de la table, les jeunes acquiescent, signe qu'eux-mêmes ont déjà cogité sur leur responsabilité.
Autre problématique commune relevée lors de l'atelier : la peur de demander de l'aide. « À Marseille, lorsqu’un interne nous appelle, il nous dit : "je ne veux pas que tu en parles !" », illustre l'un des membres du syndicat autonome des internes des hôpitaux de Marseille (SAIHM). Un comportement que l’on peut éventuellement mettre sur le compte de la compétition pour les postes hospitalo-universitaires et des us de la communauté médicale, qui n'affiche jamais ses faiblesses.
Dans le Grand Est, le syndicat autonome des internes des hospices civils de Strasbourg (SAIHCS) prépare pour la fin de l'année une plateforme en ligne d'aide à la carte : le réseau AGRID, pour aide et gestion en réseau des internes en difficulté. Le SAIHCS a travaillé deux ans sur ce projet avec la commission médicale d'établissement (CME), la faculté, la médecine du travail et le centre d'accueil médico-psychologique universitaire (CAMU). « Si l'interne a un problème avec son repos de garde, il pourra directement contacter un interlocuteur de la CME, s'il a un problème d'encadrement lors d'un stage, il contactera la faculté », cite à titre d'exemple Clément De Billy, président du syndicat. Une hotline - réseau ARENE, qui existe depuis cinq ans - est également disponible sur la plateforme 24 heures sur 24 pour les médecins et internes de la région. « Des généralistes et psychiatres volontaires prennent en charge leurs confrères et les réorientent », précise-t-il. L'anonymat est assuré.
Méditation de pleine conscience
Les internes rappellent l'intérêt de la prévention pour déceler les risques psychosociaux. À Montpellier, le syndicat des internes du Languedoc-Roussillon (SILR) possède un système d'entraide qui propose une consultation médicale sur le bien-être au travail. La structure des internes lancera en février prochain un protocole de réduction du stress basé sur la pleine conscience (dénommé le MBSR), basé sur huit séances et encadré par un instructeur formé. « La méditation de pleine conscience trouve un écho grandissant dans le monde académique, explique le SILR. Elle ne cesse de démontrer son efficacité dans la gestion du stress, la prévention du burn-out, la dépression, l'amélioration de la capacité à travailler en équipe et la qualité d'écoute face aux patients ». Les jeunes ont reçu le soutien du Pr Michel Mondain, doyen de la faculté de médecine de Montpellier-Nîmes ainsi que du CHU montpelliérain et de l'ARS Occitanie. Cette méthode sera aussi proposée aux internes de Carcassonne.
* Sur la santé mentale, réalisée par les syndicats d'étudiants, internes et chefs de clinique (ANEMF, ISNI, ISNAR-IMG, ISNCCA)
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique