Après quatre mois d'auditions de 81 personnes issues de 38 organisations – représentant élus, usagers, médecins, internes et autres professions de santé – le député socialiste de la Mayenne, Guillaume Garot, a dévoilé ce mercredi sa proposition de loi (PPL) contre les déserts médicaux, élaborée au sein d'un groupe transpartisan (qui réunit des élus communistes, écologistes, LFI, socialistes, Liot, LR, MoDem, Horizons et Renaissance).
Entouré d'une vingtaine de députés de tous les bords politiques – sauf le Rassemblement national – l'ancien maire de Laval a rappelé « l'urgence à agir », face aux inégalités d'accès aux soins entre territoires. En 2022, en matière de densité, « il y a deux fois et demi plus de généralistes dans les Hautes-Alpes que dans l'Eure, dit-il. Et le constat est plus grave encore pour les autres spécialités. On compte 18,5 fois plus d'ophtalmos par habitant à Paris que dans la Creuse… » D'où la supplique du groupe transpartisan à prendre « des mesures de courage politique ».
Le premier levier consiste, sans surprise, à confier aux ARS le soin de réguler l'installation des médecins libéraux et des chirurgiens-dentistes par « la mise en place d'une autorisation d’exercer en zone surdotée, uniquement si l'installation fait suite à une cessation d'activité d'un praticien de la même spécialité ». « Cette mesure n'a jamais été mise en place, s'impatiente Yannick Favennec, député mayennais (Horizons). La régulation n'est pas une punition pour les médecins. Le corollaire de la liberté d'installation doit être la liberté du patient à choisir son médecin. » « Nous ne faisons pas de la coercition, plaide Loïc Kervran, député du Cher (Horizons). Le principe reste la liberté d'installation. Mais il s'agit de mieux répartir l'installation par le fléchage.» Pour donner quelques gages, la PPL propose de créer un indicateur territorial de l'offre de soins « permettant d'indiquer dans les zones les plus déficitaires un minimal d'offre de soins à atteindre dans chaque spécialité ».
Hussards blancs de la ruralité
La réforme des études médicales est le deuxième axe. Le groupe transpartisan appelle à « prioriser » les besoins de santé pour fixer le nombre d'étudiants à former (et non pas les capacités de formation) et à faciliter l'accès aux études de médecine des jeunes issus des territoires déficitaires. Dans ce cadre, la PPL prévoit d'élargir le contrat d'engagement de service public (CESP) dès le premier cycle et de créer à titre expérimental pour six ans des écoles normales des métiers de la santé. À l’instar de ce qui a été fait à l'école normale supérieure, « on veut des hussards blancs des territoires ruraux pour leur montrer que la République a besoin d'eux », assume Jérôme Nury, député LR de l'Orne.
La lutte contre les déserts médicaux passe aussi par une évolution de l'exercice et des compétences. Le groupe transpartisan souhaite autoriser l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) dans le cadre de protocoles de coopération, au sein des équipes pluridisciplinaires. « Cela nécessite une modification des missions : les infirmiers prennent davantage de responsabilités et les médecins ont un nouveau rôle à jouer, celui de la coordination », présente Chantal Jourdan, députée socialiste de l'Orne.
Quatre ans de remplacement maximum
Comme certains sénateurs, les députés du groupe proposent de limiter à « quatre ans » la durée de remplacement en libéral et de rétablir l'obligation de la permanence des soins des médecins libéraux. « L'absence de cette permanence des soins se reporte sur d'autres établissements, dans d'autres lieux du système de soins », déplore Hadrien Clouet, député LFI (Haute-Garonne).
Et pour mettre fin à la « double peine » subie par les patients sans médecin traitant, le texte propose de supprimer pour eux la majoration hors parcours. « C'est injuste car, moralement, elle revient à l'idée qu'il faut pénaliser ceux qui sont dans les parcours les plus difficiles », argumente l'élu.
Maintenant que la proposition de loi est publique, le groupe transpartisan souhaite qu'elle soit discutée « dès que possible, début 2023 ». Un courrier a été adressé en ce sens à la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, sollicitant l'inscription de ce texte à l'ordre du jour. « À défaut, avance Guillaume Garot, il pourrait être inscrit dans une journée réservée à l'un de nos groupes. Nous sommes déterminés à faire entendre la voix des patients. »
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