La décision partagée est une évolution nécessaire de la relation entre le médecin et le patient et de la relation du patient avec la compréhension et la gestion de sa pathologie. Le médecin présente les alternatives, informe son patient de ce qu’il perçoit comme nécessaire, l’aide et l’accompagne dans ses choix, choix ensuite régulièrement réévalués.
« Cette approche, moins adaptée à une pathologie aiguë où le médecin fait généralement le choix de la stratégie thérapeutique, est en revanche tout à fait intéressante dans les maladies chroniques, qu’il s’agisse du diabète, d’une maladie rhumatismale ou psychiatrique », note le Dr Pierre Sérusclat. Les patients sont aujourd’hui largement demandeurs : près de la moitié d’entre eux selon une enquête téléphonique dont les résultats ont été rapportés au cours de l’atelier consacré à ce thème lors du congrès. De leur côté les médecins surestiment la participation des patients dans la prise de décision quant à leur traitement. Des données présentées au cours de l’atelier montrent que 53 % des médecins pensent que la décision est partagée, alors que seuls 35 % des patients sont de cet avis. Et à l’inverse, 58 % des patients estiment que c’est leur médecin qui décide pour eux et seulement 22 % qu’ils prennent la décision seule. « Il semble ainsi qu’en pratique quotidienne, nous évaluions de manière excessive le degré de participation de nos patients au choix thérapeutique », poursuit le Dr Sérusclat. « Le problème du temps apparaît comme un écueil important. Pour que la décision soit vraiment partagée, il faut en effet un temps d’explication assez long, une bonne expérience clinique du praticien et une bonne connaissance des données de la recherche clinique. En diabétologie, l’éventail thérapeutique est assez large et il est notamment possible de proposer un traitement injectable ou oral, en présentant pour chacun ses avantages et ses inconvénients. Le patient peut alors choisir en sachant, et c’est là un point essentiel, que tout choix est révisable ».
La décision partagée ne relève pas d’un entretien structuré, mais découle d’une réflexion et d’une confrontation de points de vue. Il n’est pas nécessaire que la décision soit prise dans l’instant, elle peut toujours être différée de 10 ou 15 jours et peut parfois s’appuyer sur une approche pluridisciplinaire.
« D’ailleurs, en raison de la raréfaction du « temps médecin », la décision partagée se développera sans doute dans le cadre de la délégation des tâches, ce qui impliquera des formations spécifiques des autres soignants », rapporte le Dr Sérusclat.
Les leviers et les freins à la décision partagée ont également été discutés lors de l’atelier. Parmi les leviers, la motivation du professionnel de santé et son sentiment que la décision partagée facilite le parcours de soins et améliore l’état de santé du patient. Et au niveau des freins, au-delà du manque de temps, l’impression que le patient n’est pas capable de décider ou bien que ce concept est inapplicable du fait de la situation clinique.
« En pratique, la décision partagée est probablement assez adaptée à la pratique libérale, où la continuité des soins avec le même praticien constitue sans doute un avantage, même si le problème de temps est une réalité, estime le Dr Sérusclat. Au CHU, le changement plus fréquent d’intervenant peut rendre son application plus difficile ».
Atelier « La décision partagée : la relation médecin/patient », modéré par le Pr Pierre-Yves Benhamou (Grenoble), avec la participation des Prs Pierre-Michel Llorca (Clermont-Ferrand) et Alfred Penfornis (Corbeil-Essonnes).
(1) HAS. Patient et professionnels de santé : décider ensemble. Concept, aides destinées aux patients et impact de la « décision partagée ». Octobre 2013.
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