LE QUOTIDIEN : Quelle est la situation financière des CHU ?
JEAN-PIERRE DEWITTE : Les CHU ont respecté pour la troisième année consécutive l’objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) en 2015, malgré une pression très forte sur les dépenses médicales. L'activité médicale représente 25 % de nos dépenses, contre 10 % il y a dix ans. Le poids de la cancérologie, de la rhumatologie et des maladies neurodégénératives est conséquent. Les nouveaux dispositifs médicaux en chirurgie cardiaque coûtent jusqu'à 20 000 euros pièce !
Pourtant, le déficit cumulé des établissements était de 209 millions d'euros fin 2015 pour un budget consolidé de 30 milliards d'euros. Cela revient à un déficit global de moins de 1 %, dans un contexte de contraintes budgétaires fortes et d'ONDAM limité à 2 %. La majorité des CHU ont même réussi à maintenir leur niveau de personnel, et ce malgré des tarifs en baisse de 0,65 %, ce qui n'est pas rien.
L'explosion des pathologies chroniques rebat les cartes de l'hospitalisation classique. L'hôpital est-il prêt à mieux travailler avec la ville ?
La relation entre les CHU et les médecins libéraux n'a jamais été aussi forte ! Le développement de la chirurgie ambulatoire, portée à 40 % dans nos établissements, confirme ce lien étroit entre deux mondes qu'on oppose trop souvent. Prévue dans la loi de santé, la lettre de liaison va renforcer ce rapprochement.
Les initiatives se multiplient. À Poitiers par exemple, tous les examens de biologie et comptes rendus d'hospitalisation sont accessibles aux médecins libéraux de la Vienne via un logiciel de partage de données sécurisé.
La télémédecine est un autre moyen pour les CHU de soutenir les médecins libéraux et les centres hospitaliers, en développant par exemple la téléexpertise en radiologie. Je soutiens à cet égard la demande de la Fédération hospitalière de France (FHF) de déverrouiller un modèle économique propre. On ne peut pas demander aux médecins des activités nouvelles sans la rémunération qui va avec.
La réforme des GHT contribue-t-elle à mieux ancrer les CHU dans les territoires ?
Il s'agit d'une bonne réforme car elle pousse nos 30 000 praticiens hospitaliers à travailler ensemble. Je suis assez optimiste sur sa réalisation, même si le travail en multisite ne plaît pas à tous les médecins, au même titre que le partage du pouvoir ne plaira pas à tous les directeurs.
On mesure toujours l'accès aux soins en fonction du temps, mais la qualité compte tout autant. Être soigné en moins de 30 minutes, c'est bien, mais encore faut-il que ce soit par une équipe médicale aguerrie. Les GHT accordent les mêmes modalités de prise en charge pour tous les patients, éloignés ou pas d'un CHU. C'est un très gros progrès, auquel nous contribuons.
La réforme nous offre quatre missions d'importance : organiser la formation initiale des médecins et des paramédicaux, coordonner la recherche clinique, mettre en place le recours et l’expertise dans nos filières propres (grands brûlés, chirurgie ambulatoire, prise en charge des AVC les plus graves, etc.) et vivifier la démographie médicale [avec des assistants et praticiens partagés, entre autres, NDLR].
L'AP-HP développe sa filière spécifique pour les patients étrangers. Est-ce une idée à suivre ?
Nous avons des compétences médicales à mettre en avant mais aussi une expertise rare en logistique. On sait comment ouvrir un plateau technique, gérer les flux de patients mieux que quiconque. Grâce à la loi Macron, dix CHU ont créé des filiales commerciales à l'étranger.
C'est pourquoi la conférence des directeurs présentera au premier trimestre 2017 une offre commune interCHU de prestations, de formations, de services et de ressources humaines à fournir au-delà de nos frontières. Il y a une vraie demande, notamment de la part des pays africains. L'un d'entre eux vient de nous réclamer une refonte totale de son offre en biologie.
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