› DE NOTRE CORRESPONDANT
DANS L’AFFAIRE de Reims, la décision de la cour d’appel de condamner deux chirurgiens, les Drs Célestin Esso et Jean-Pierre Giolitto, à dix-huit mois de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende, va au-delà des réquisitions de l’avocat général, lequel dénonçait « la répétition de gestes invasifs, sans fondement préalable » et évoquait « une incompétence inadmissible qui a abouti à la mutilation sexuelle d’une femme ». Le Dr Esso a écopé également d’une interdiction d’exercer la chirurgie gynécologique et urologique pendant 3 ans, alors que son confrère le Dr Giolitto a été interdit de pratiquer l’ensemble de la chirurgie pendant 5 ans. La patiente, âgée aujourd’hui de 63 ans et incontinente, a été opérée la première fois par le Dr Esso en 1994 pour des problèmes gynécologiques. De complications en infections, 9 autres interventions suivront avant que la patiente ne soit confiée au Dr Giolitto qui l’opérera à cinq reprises. Déjà condamnés en première instance, à un an de prison avec sursis, 15 000 euros d’amende et dix mois d’interdiction d’exercer la chirurgie, les deux chirurgiens avaient décidé de faire appel. La sanction a été aggravée.
Dans le cas du Dr Giolitto, elle fait suite à une autre condamnation prononcée, elle, en décembre dernier, à la suite du décès par hémorragie d’un jeune homme de 18 ans lors d’une opération en 2006 : le chirurgien avait percé avec un trocart son artère iliaque. Il s’est toutefois pourvu en cassation dans cette affaire. C’est le même Dr Giolitto qui quelque deux mois plus tard, le 14 mars 2012, sera suspendu par l’ARS d’Alsace pour « une erreur de côté ayant conduit à l’ablation du rein sain » lors d’une « néphrectomie pour une tumeur » réalisée la veille. L’ARS estimant que le praticien exposait ses patients à un « danger grave » lançait une mission d’inspection « pour faire le point sur le déroulement des événements » avec suspension immédiate du médecin pour une durée maximale de cinq mois.
Procédure de recrutement.
À la clinique Sainte Anne de Strasbourg où il exerçait depuis 2010, Christophe Matrat, le directeur, assure que le Dr Jean-Pierre Giolitto avait été recruté, à l’issue d’une procédure « tout à fait transparente » dans laquelle il avait fait part de ces deux affaires en cours. La commission médicale de l’établissement avait alors émis un avis favorable à son arrivée. Toutefois, les six autres urologues de la clinique s’étaient, eux, opposés à ce recrutement, et l’avaient fait savoir à la direction. Les relations étaient par ailleurs très tendues entre le chirurgien et ses confrères urologues. La présidente de l’Ordre départemental des médecins du Bas-Rhin, le Dr Elisabeth Krukzek, souligne pour sa part que, si l’Ordre n’avait pas à émettre d’avis sur son recrutement, il n’en suivait pas moins activement le dossier du chirurgien. L’Ordre du Bas-Rhin avait d’ailleurs repris le dossier du chirurgien une fois ce dernier installé à Strasbourg et avait poursuivi l’instruction ordinale commencée à Reims dans l’affaire du jeune homme décédé. En mars 2011, il condamnait le Dr Giolitto à six mois d’interdiction d’exercice, peine contre laquelle l’intéressé s’était pourvu en appel. L’Ordre régional des médecins doit se prononcer en mai.
Aujourd’hui, même si le chirurgien faisait appel de sa dernière condamnation, il n’en resterait pas moins interdit d’exercice au moins jusqu’en août, suite à la suspension prononcée par l’ARS. Le directeur de cette dernière, Laurent Habert, indique que les premiers éléments de l’enquête diligentée après que la clinique lui ait signifié les faits « laissent à penser qu’une erreur est survenue très tôt dans le processus, et que toute la procédure a été inversée bien avant le début de l’opération, en dépit des protocoles de contrôle. » Ceux-ci ont certes été appliqués, mais d’une manière « trop mécanique », poursuit M. Habert. L’ARS conclut à « une erreur manifeste du médecin », qui, de plus, n’a pas utilisé dans sa check-list les bons comptes-rendus de scanners et de radios très clairs dont il disposait pourtant.
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