LE MÉDECIN est-il devenu une marque que l’on choisit pour sa notoriété et sa réputation ? Cette question, apparemment décalée et volontairement provocatrice, était au cur d’un débat organisé par le cabinet BV conseil, avec pour invités le Pr Jean-Claude Ameisen, président du comité d’éthique de l’INSERM, et Benoît Heilbrunn, sémiologue et professeur de marketing à l’École supérieure de commerce de Paris.
« La marque est une drogue, en ce qu’elle tente de créer un besoin, puis de le satisfaire. » Une fois posé ce jugement, Benoît Heilbrunn tente d’en tester l’adéquation au monde médical. Pour le sémiologue, le médecin évolue dans un univers caractérisé par la problématique de marché et de concurrence, si bien que poser la question de savoir si le médecin est une marque n’est pas dénué de sens. Mais, rappelle-t-il, on ne peut parler de marque que si celle-ci contient « un projet, une valeur, un rêve ». C’est ainsi que si l’on peut parler de marque pour une entreprise comme Apple, qui « démocratise l’accès à l’informatique en en simplifiant l’usage », selon les mots de Benoît Heilbrunn, tel ou tel nom d’huile de vidange, par exemple, serait plus de l’ordre de l’identifiant que de la marque, en ce qu’il ne véhicule pas de projet ni de valeur particuliers.
Et le médecin dans tout ça ? « Un médecin est un intermédiaire entre l’industrie pharmaceutique et le patient, d’où l’aspect stratégique de sa mission d’éducation thérapeutique », poursuit-il, estimant en conséquence qu’un médecin est plus un gate-keeper (passage obligé) qu’une marque.
Plutôt un « label ».
Pour le Pr Jean-Claude Ameisen, « la médecine n’est pas une marque, c’est quelque chose qui s’apparente aux droits de l’homme ». Même s’il relativise : « les Drs Knock, ça a toujours existé, c’est très ancien. On ne peut parler de dérive commerciale de la médecine aujourd’hui, car l’histoire montre que le charlatanisme était un phénomène bien plus important durant les siècles passés qu’aujourd’hui. »
Un médecin nutritionniste prend la parole dans la salle : « Si un médecin libéral veut survivre, il doit imposer sa marque, tout en respectant l’éthique de la profession. Pourtant, certains nutritionnistes réussissent mieux que les autres en vendant du rêve, alors que la base de la nutrition c’est tout simplement de manger moins, mieux, et de bouger plus. » Benoît Heilbrunn saisit la balle au bond : « On est en train de merchandiser une activité ancestrale. Il faut résister à cette tentation pour préserver l’éthique médicale. Un médecin n’est pas une marque, c’est un statut social, un label. »
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