« Alors qu’ils ont été les grands oubliés, les professionnels de ville, eux, ont su s’organiser et développer des solutions efficaces pour prendre en charge les patients », a résumé le Dr Guilaine Kieffer-Desgrippes, présidente (SML) de l’URPS-ML Grand Est, dressant un bilan de la gestion de la crise sanitaire afin d'en tirer les leçons et d'affronter la seconde vague.
La communication des autorités sanitaires doit être repensée. Le « message en boucle » invitant les patients à ne pas consulter leur médecin et à appeler le 15 a été une « catastrophe », juge la généraliste. De nombreux retours d'expériences ont révélé les retards de diagnostic et de prise en charge, y compris pour les pathologies chroniques. De fait, les patients ont massivement déserté les cabinets médicaux pendant plusieurs mois alors que tout était fait pour les accueillir. Au-delà de la baisse d’activité (40 % en moyenne pour les généralistes, 70 % pour les spécialistes, et jusqu'à l'arrêt quasi-total dans certaines disciplines), cette chute massive des soins, combinée à l’arrêt de la chirurgie libérale, aura des conséquences durables.
Autre leçon : dans cette région, la première frappée de plein fouet, la logistique et la coopération entre les secteurs ont parfois été défaillantes, jusqu'à l'absurde. Chirurgien libéral à Épernay, le Dr Bernard Llagonne souligne que les cliniques privées ont dû cesser toute intervention chirurgicale à partir du 16 mars. « Nous avions des masques, des blouses, nous avions du liquide hydroalcoolique, mais plus de patients ! », se désole-t-il. Exactement à l’inverse des EHPAD qui, eux, manquaient de tout.
Sans jeter la pierre au directeur de l’agence régionale de santé (ARS), qui s’est « battu pour trouver autant de lits de réanimation que nécessaire », le chirurgien relève que les autorités ont beaucoup communiqué sur les transferts interrégionaux et internationaux... alors que de nombreux lits restaient vides dans le Grand Est. De même, poursuit-il, « nos respirateurs ont tous été réquisitionnés et emportés… mais on nous les a rendus deux mois plus tard sans même que leurs emballages aient été ouverts ».
Le bon sens du terrain
Le bilan de l'URPS-ML confirme que les médecins libéraux ont fait preuve d’inventivité dans de nombreux domaines, par exemple en mettant sur pied un système de distribution de masques avec les pharmaciens, en développant très rapidement la télémédecine et en faisant remonter de précieuses informations collectées sur le terrain. « Ce sont les généralistes de ville, et non pas des professeurs parisiens, qui ont découvert que la perte du goût et de l’odorat étaient liés au Covid-19 », souligne l’Union régionale.
Face à la seconde vague, avance le Dr Kieffer-Desgrippes, il faudra donc que les décideurs s’appuient d’emblée sur la médecine de ville et tiennent compte de leurs retours. Elle invite déjà les autorités à ne plus centraliser les appels sur le 15, saturé, mais à déployer enfin le « 116-117 », numéro libéral destiné aux soins non programmés.
Enfin, il ne faut pas sous-estimer la fatigue des soignants, très éprouvés par ces derniers mois. Selon le Dr Pascal Meyvaert, président de l’association des médecins coordonnateurs en EHPAD d’Alsace, le manque de personnel dans ces structures risque de s’aggraver car leurs employés « ne se sentent pas prêts » à affronter une seconde vague aussi violente que la première.
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