Une nouvelle installation pour un départ : les députés ont adopté ce mercredi matin le conventionnement sélectif des médecins libéraux en zone surdense, lors de l'examen en commission du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017.
L'amendement de la députée socialiste Annie Le Houérou (Côtes d'Armor) était soutenu par une quarantaine de parlementaires dont la présidente socialiste de la commission des affaires sociales Catherine Lemorton (pharmacienne).
Cet amendement prévoit que les agences régionales de santé (ARS) devront définir, en concertation avec les syndicats médicaux, les zones dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d'offre de soins. Le conventionnement à l'assurance-maladie des médecins libéraux dans ces zones ne pourra intervenir qu'après la cessation d'activité libérale d'un praticien exerçant dans la même zone.
Un décret en Conseil d'État fixera les modalités d'application de cet article. Selon les parlementaires à l'origine de cet amendement, le conventionnement sélectif des médecins de ville permettra de compléter le système des incitations à l'installation dans les zones sous dotées.
Incorrigibles députés, s'indigne la CSMF
Le mécanisme du conventionnement sélectif est déjà appliqué dans plusieurs professions de santé (infirmiers, pharmaciens, dentistes...). « Le principe de la liberté d'installation demeure donc, mais le conventionnement n'est possible que de manière sélective pour les nouvelles installations », argumentent les auteurs de l'amendement. Pas sûr que la profession en pense autant, qui risque de dénoncer une mesure autoritaire et inopérante.
À peine cette mesure adoptée, la CSMF l'a condamnée fermement, s'en prenant aux « incorrigibles députés ». « Quand comprendra-t-on que la liberté d’installation est un pilier de l’exercice libéral et qu’on ne peut pas demander aux médecins qui ont un statut libéral de remédier au désengagement de l’État des services publics ?, s'emporte le syndicat présidé par le Dr Jean-Paul Ortiz. Les jeunes tardent aujourd’hui à s’installer (40 ans en moyenne) devant les contraintes de l’exercice médical libéral. »
Cette mesure ne règle rien à la question des zones sous dotées, estime pour sa part le SML. Le syndicat redoute « les effets secondaires dévastateurs pour la profession » : la dévaluation de l'image des médecins exerçant en zones en difficulté, une surenchère lors de la transmission de patientèle et une fuite vers le salariat des médecins libéraux.
La colère des jeunes
L’Ordre a également dénoncé le choix d'une « fausse solution » aux problèmes de désertification médicale et appelé la ministre de la Santé et le gouvernement à s'opposer à cet amendement*.
Les jeunes sont tout aussi furieux de cette mesure. Dans un communiqué commun, étudiants (ANEMF), internes (ISNI et ISNAR-IMG), chefs (ISNCCA), et jeunes professionnels (REAGJIR, SNJMG) ont également invité le gouvernement et les députés à refuser cette disposition : « Aucune restriction ou contrainte à l’installation ne permettra jamais de mettre un médecin dans chaque bassin de population. Nous ne sommes pas assez nombreux pour combler à nous seuls le manque de médecins et les départs à la retraite de nos ainés. Il y a trop de zones médicalement fragiles. Comparativement, les zones à fort excédent sont un épiphénomène. » Les syndicats de jeunes redoutent, si une telle orientation était prise, un mouvement de déconventionnement des praticiens préjudiciable aux patients.
Le conventionnement sélectif peut-il être définitivement adopté ? Le parcours parlementaire est encore long et la ministre de la Santé a fait savoir qu'elle était « fermement opposée à cette mesure ». Sera-t-elle suivie par sa majorité ? Réponse à partir de mardi avec l'examen en séance plénière du PLFSS.
* Dernière mise à jour à 17h25
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