Alors que l'association « Médecins pour demain » et l’UFMLS appellent les praticiens à se désengager des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), l’URPS et les CPTS du Centre-Val de Loire* lancent un SOS aux pouvoirs publics. Elles les exhortent à cesser de faire peser sur ces structures de nouvelles contraintes qui sapent le travail de terrain. « L’adhésion à une CPTS doit rester volontaire », clame la Dr Latifa Miqyass, généraliste à Bazoches-les-Gallerandes (Loiret) et présidente de la CPTS du Beauce-Gâtinais.
Pourquoi les CPTS et l’URPS médecins du Centre-Val de Loire ont-elles lancé ce cri d’alarme auprès des pouvoirs publics ?
Dr LATIFA MIQYASS : Le Centre-Val de Loire est le berceau des CPTS. C’est la région qui en compte le plus en France, 31, avec une couverture de 95 % de la population. Ces communautés regroupent sages-femmes, kinés, infirmiers, médecins généralistes et spécialistes… des professionnels qui se coordonnent autour de projets de santé pour répondre aux besoins de la population. Or, nous avons le sentiment aujourd’hui que le gouvernement et la Cnam utilisent les CPTS comme un outil pour imposer des contraintes aux professionnels de santé. Et beaucoup de médecins en colère appellent de manière ouverte à se désengager des CPTS.
Quelles contraintes pèsent sur les professionnels de santé et les médecins généralistes en particulier ?
Regardez la loi Rist-Bergé, elle voulait initialement autoriser un accès direct aux IPA, aux kinés ou aux orthophonistes à condition qu’ils fassent partie d’une CPTS. La CPTS est utilisée pour soumettre des contraintes aux professionnels de santé. Aujourd’hui, pour toucher le forfait structure ou être éligible au futur contrat d’engagement territorial par exemple, l’adhésion à une CPTS est un item d’éligibilité. Si quelqu’un adhère parce qu’il n’a pas le choix, pensez-vous réellement qu’il va s’engager pour construire un projet de santé ? Le but originel a été dévoyé, les CPTS risquent de devenir un repoussoir.
L’adhésion à la CPTS n’est pas formellement obligatoire pour adhérer au contrat d’engagement territorial, elle fait partie à ce jour des 13 items proposés par la Cnam parmi lesquels il faudra en retenir 2 ?
Oui mais pourquoi faudrait-il que ce soit un item ? La CPTS doit reposer sur le volontariat. Obliger les gens à adhérer à une CPTS sera contreproductif. On va se retrouver avec des CPTS qui seront des coquilles vides avec des gens qui n’y feront rien. Ce sera une adhésion factice pour pouvoir toucher son Coscom (contrat de stabilisation et de coordinations des médecins), ou pour souscrire le CET. Nous voulons que les gens s’engagent car ils ont la volonté de travailler ensemble, peu importe leur profession, pour construire un projet de santé.
Enregistrez-vous beaucoup de départs de médecins ? Certains confrères vous font-ils part de leur envie d’arrêter ?
L’adhésion à une CPTS doit rester volontaire Je préside une CPTS de taille 3, qui couvre un territoire de plus de 80 000 habitants et à ce jour, nous n’avons enregistré aucune désadhésion. Mais trois confrères généralistes, pionniers des CPTS et qui y ont adhéré dès le départ en 2018, me disent que si la convention venait à être signée en l’état avec de nouvelles contraintes, ils se désengageraient. Ils sont prêts à claquer la porte. Il y a toujours eu des réfractaires à l’adhésion aux CPTS depuis leur création, mais là la colère est très forte.
Qu’attendez-vous de l’Etat, du ministère de la Santé ou l’Assurance-maladie pour améliorer la situation ?
Les CPTS ne doivent plus être un outil de propagande. Il ne faut pas forcer les gens à adhérer car ce qui se fait dans la contrainte ne marche jamais. Dans ma CPTS de Beauce-Gâtinais, on a démarré à dix généralistes, nous sommes maintenant 21 à participer aux soins non programmés. Ces médecins ont eu envie de s’engager. Une vraie solidarité est née entre nous, mais on n’a jamais obligé personne à adhérer. Nous avons même créé un centre de soins non programmés et tout ça sur la base du volontariat, sans aucune coercition. Un médecin peut avoir envie d’y participer un mois et pas un autre, il reste libre de son agenda.
En Centre-Val de Loire, les CPTS ont-elles permis d’améliorer l’accès aux soins ?
Oui, les CPTS montrent leur efficacité. Un thésard a fait un mémoire de thèse sur l’accès aux soins dans notre secteur du Beauce-Gâtinais. Nous avons relevé que 80 % des patients prioritaires de notre territoire (malades chroniques, en ALD, de plus de 70 ans, ou en CMU), ont trouvé un médecin traitant grâce à la CPTS. C’est un formidable outil pour faire face à la crise de la démographie médicale.
* Liste des CPTS soutenant le message de l'URPS Médecins Libéraux Centre-Val de Loire : Asclépios (37-41), Berry Vierzon Sologne (18-41), Castel Réseau Santé (37), Est Orléanais (45), NOEL (28), Giennois-Berry (45-18), Orléanaise (45), Ouest Loiret (45), Pays Chartrain (28), Pays de Bourges (18), Pays Drouais (28), Perche (28), Rabelaisie (37), La Salamandre (41), Sologne Vallée du Cher (41), Sud 28 (28-41), Sud Cher (18), Val de Creuse (36) et Vendômois (41).
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