Cela fait vingt-huit ans que je pratique la médecine en cabinet de ville. À l’époque, notre éducation médicale nous incitait à essayer de proposer un service avec une continuité de soins. Nous avions des remplaçants qui voulaient travailler et qui prenaient nos places pendant nos congés indispensables. Cela nous permettait de partir l’esprit tranquille, et à nos patients d’être sereins, sachant qui aller voir en notre absence.
Nous avions par ailleurs organisé un système de garde basé sur le volontariat, assis sur un numéro de téléphone unique à disposition des patients. Ceci leur permettait de pourvoir joindre un médecin de garde quand les cabinets médicaux étaient fermés la nuit ou le dimanche. Le médecin était libre du lieu de choix de sa garde puisqu’il répondait toujours au même numéro téléphonique.
Notre malheur a voulu que les politiques s’en mêlent, pensant avoir la science infuse. Ils gèlent le numerus clausus rendant impossible le renouvellement de la population médicale (pour preuve le départ à la retraite de plus d’une centaine de médecins généralistes en 2015 dans les Yvelines non remplacés !!!).
Ils créent l’ARS qui prend le parti de décider d’imposer et surtout de ne pas échanger. Sous l’impulsion d’un SAMU surpuissant, il est décidé un démantèlement de nos systèmes de garde avec une obligation de n’être de garde que le dimanche matin de 9 heures à 13 heures. Ineptie, aucune utilité. Le but initialement avoué était de décharger les urgences de consultations inutiles. Puis vient l’interdiction de faire ces gardes dans nos cabinets, ce qui nous permettait de gérer la paperasse de plus en plus importante en dehors de nos consultations de semaine. Le but avoué était de ne pas risquer de déboussoler les patients en leur donnant un lieu de garde fixe, et fixé sans notre consultation.
Il a donc été décidé de nous imposer de prendre nos gardes dans un point fixe au fin fond de l’hôpital de Plaisir, locaux qui ne sont d’ailleurs pas aux normes handicapés si chères à nos élus. Conclusion, le nombre moyen d’actes est de l’ordre de deux pour un secteur énorme, ce qui ne doit pas avoir de répercussion sur l'activité des urgences.
Et on vient nous faire des leçons de morale.
Revenons à nos chers remplaçants, il y en a de moins en moins, ils ne veulent plus travailler comme leurs aînés, pas de garde, pas de samedi etc. Conclusion, les médecins en fin de carrière ne font plus de rab et accentuent l’effondrement du nombre de médecins.
On nous impose le tiers payant généralisé, option dogmatique, dont tout le monde sait qu’elle est inflationniste au niveau des consultations, une perte de repère de valeurs avec une explosion des rendez-vous non honorés, ou une demande de rendez-vous immédiat dans le culte de l’égoïsme individuel de nos sociétés.
Au total Madame la ministre : mais que font vos conseillers ? Où regardent-ils ? Où sont ils quand des médecins épuisés font des burn out ou refusent les nouveaux patients du fait d’une surcharge de travail dont seuls nos patients ont conscience ? Vous qui voulez soulager les urgences pourquoi faites-vous tous ce qu’il faut pour les saturer ?
Si vous voulez la mort de la médecine de ville, dites-le nous !
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