Paris, bientôt un vaste désert médical ? C'est le Dr Michel Legmann, ancien président du conseil national de l'Ordre des médecins qui, le premier, a tiré la sonnette d'alarme en 2012. Commentant les chiffres de l'atlas de la démographie médicale, il prophétisait qu'« à ce rythme, Paris pourrait faire partie à terme de la liste des déserts médicaux ».
La situation est devenue alarmante : entre 2007 et 2016, le nombre de généralistes libéraux (ou mixtes) parisiens a baissé de 29,3 % – contre 8,4 % en moyenne nationale sur la même période. Au 1er janvier 2016, moins de 2 000 omnipraticiens exerçaient encore en activité régulière libérale ou mixte à Paris. Leur densité s'établit à 89 pour 100 000 habitants (132,1 pour 100 000 au national). Et selon nos informations, le nombre de généralistes libéraux parisiens a encore baissé de plusieurs dizaines au 1er janvier 2017.
Dans plusieurs autres spécialités, les scores sont à peine meilleurs. Le nombre de pédiatres libéraux a chuté de 27 % en dix ans dans la capitale, et celui des psychiatres de 21,4 %. Globalement, Paris a perdu 9 % ses médecins – toutes spécialités et tous modes d'exercice – sur une décennie, mais c'est l'exercice en ville qui est le plus fragilisé. Dans le même temps, la population de la capitale a progressé de 4,3 %.
62 nouveaux généralistes libéraux en 2016
Cette tendance n'a aucune raison de s'inverser à court terme, en raison de la pyramide des âges. En Ile-de-France, 30 % des omnipraticiens ont plus de 60 ans et devraient prendre leur retraite dans les cinq années qui viennent, soit quelque 600 généralistes libéraux en moins à l'horizon 2021. Les nouvelles inscriptions ne suffiront pas à combler ces départs, tant s'en faut : en 2016, seuls 62 généralistes libéraux se sont nouvellement inscrits au tableau de l'Ordre parisien.
Maigre consolation, 450 généralistes retraités continuent d'exercer dans la capitale, contribuant à conforter l'accès aux soins. Mais ce renfort peut cesser à tout moment et ces médecins exercent le plus souvent à temps partiel.
Secteur public subventionné
La chute de la médecine libérale parisienne a plusieurs causes. Le coût de l'immobilier parisien et le poids des charges rendent désormais quasiment impossible l'exercice isolé en secteur I. Les problèmes récurrents de stationnement sont souvent évoqués, qui exaspèrent les praticiens. Le constat est le même pour l'accessibilité des locaux aux personnes handicapées, avec des dossiers décourageants de mise aux normes. Et les initiatives des autorités (voir ci-contre) ne permettent pas d'inverser la tendance.
Faut-il y voir un signe ? La toute nouvelle commission paritaire locale des médecins de Paris (CPL 75), présidée par le Dr José Clavero, généraliste FMF installé dans le XVe arrondissement, juge que la démographie sera un de ses chantiers prioritaires en raison de la « pénurie médicale menaçante ». Et de citer le prix des loyers, les difficultés de circulation ou encore la « concurrence déloyale d'un secteur public de la santé subventionné » comme autant de menaces pour la survie de la médecine libérale à Paris.
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