Depuis six mois, le Dr Véronique Möller, médecin généraliste à Magny-les-Hameaux, dans les Yvelines, est « sous-pression ». La CPAM de Versailles lui reproche d’avoir prescrit un nombre trop important d’arrêts de travail, supérieur à la moyenne observée chez ses confrères ayant une activité comparable en Ile-de-France.
Les faits remontent à juin 2015. Le Dr Möller reçoit une lettre recommandée de sa CPAM lui indiquant qu’elle a prescrit « 2,08 journées d’arrêts de travail, donnant lieu à des indemnités journalières (par consultation et en moyenne), alors que la moyenne régionale pour des praticiens exerçant une activité comparable se situe à hauteur de 0,75 ». La caisse lui indique lancer une procédure à ce titre.
Son relevé individuel d’activité et de prescriptions (RIAP) dont le « Quotidien » a pris connaissance, fait apparaître 6 170 IJ (indemnités journalières) sur l’année 2014, contre une moyenne nationale de 2 544.
Furieuse de la procédure de la CPAM, le Dr Möller est bien décidé à répliquer. Invitée en juillet dernier par l’assurance-maladie à venir s’expliquer, elle s’entoure de la Fédération des médecins de France (FMF) pour préparer le rendez-vous. Le jour J, une vingtaine de patients font le déplacement devant le siège de la CPAM de Versailles pour soutenir leur médecin de famille, inquiets qu’elle ne quitte la commune sous la pression.
TMS, burn out et pathologies lourdes
Face au directeur adjoint et au médecin en chef du service médical de la CPAM, elle justifie ses IJ par le contexte socio-économique de sa commune. « À Magny-les-Hameaux, il y a trois médecins généralistes pour 10 000 habitants. Avec mon associée, nous avons 2 295 patients, la moyenne nationale est de 800. Je leur ai expliqué que j’étais située dans un secteur populaire, la plupart de mes patients sont arrêtés pour des troubles musculo-squelettiques, burn out ou pathologie lourde », confie-t-elle. La CPAM convient le 13 août d’une mise sous objectif sur une période de quatre mois (15 septembre 2015 au 15 janvier 2016) et d’une amende de 6 340 euros si elle ne tient pas ses objectifs. « On m’a proposé un accompagnement pour diminuer de 22,4 % mes prescriptions d’IJ. J’ai refusé, mes prescriptions sont conformes aux pathologies de ma patientèle », soutient-elle.
Mise sous accord préalable
La caisse saisit alors la commission de pénalités financières et le Dr Möller est convoquée une seconde fois, le 19 octobre devant un jury composé de neuf personnes (confrères et membres de la caisse). « J’ai dû réexpliquer les dossiers des patients, poursuit-elle, j’ai eu l’impression que ces réunions étaient perdues d’avance ». L’avis de la commission sur la mise sous accord préalable (MSAP) est attendu d’ici à fin novembre. Si tel est le cas, chaque arrêt de travail de plus de quatre jours sera soumis au contrôle du médecin-conseil de la CPAM. La MSAP est renouvelable et peut conduire à des sanctions financières si le médecin ne modifie pas son comportement.
De son côté, le médecin en chef du service médical de la CPAM de Versailles, assure que l’assurance-maladie a été cohérente dans sa démarche. « Nous avons souhaité comprendre l’activité du médecin lors de la première entrevue, explique-t-elle. Parfois certains praticiens ont des situations particulières qui justifient le nombre important d’IJ. Nous croisons nos informations sur plusieurs années et tenons compte de chaque situation socio-économique. » Cette année, une dizaine de médecins dans les Yvelines ont été ciblés pour leur prescription surnuméraire d’IJ. « La plupart ont accepté la MSO et l’accompagnement qu’on leur a proposés », conclut le responsable de la CPAM.
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