L’ANOREXIE mentale touche 1 % de la population féminine jeune, soit environ 40 000 adolescentes, mais le chiffre grimpe à 70 000 si on parle de la chronicité ultérieure. Les généralistes sont en première ligne pour dépister les patients et soulager leur souffrance. Les Prs Philippe Jeammet et Jean-Luc Vénisse, spécialistes de l’adolescence et des addictions, ont co-présidé le groupe de travail qui a élaboré les recommandations de la HAS. Le document sera adressé à 100 000 médecins généralistes. Il définit trois principaux axes : le repérage précoce du trouble, les premiers soins et la filière de la prise en charge, les critères d’hospitalisation.
°Mieux repérer les malades
Comme l’explique le Dr Cédric Grouchka, membre du collège de la HAS, « le diagnostic tardif diminue la possibilité de guérison et laisse les professionnels démunis ». Alors, pour élaborer sans tarder une alliance thérapeutique avec le patient (90 % sont des femmes), il faut cibler les populations à risque : les adolescentes et les jeunes femmes, les mannequins, danseurs et sportifs, mais aussi les sujets atteints de pathologies qui imposent des régimes (hypercholestérolémie familiale, diabète de type 1. Et puis, poser une simple question, telle que « Avez-vous ou avez-vous eu un problème avec votre poids ou votre alimentation ? », ou proposer le questionnaire-type qui révèle un trouble du comportement alimentaire. Chez l’adolescent, l’hyperactivité physique, le surinvestissement intellectuel, l’aménorrhée des filles et une perte de poids supérieure à 15 % sont des signes évocateurs.
°Privilégier la prise en charge ambulatoire
Le Pr Philippe Jeammet l’affirme avec force : « Il ne faut pas laisser les jeunes filles piégées dans leur comportement alimentaire, qui n’est pas choisi. » Et leur éviter l’errance, en proposant des filières de soins pour que des solutions graduées leur soient accessibles. Mais, sauf en cas d’urgence manifeste, on n’hospitalise pas. La prise en charge doit être ambulatoire et multidisciplinaire, avec au minimum deux soignants : un spécialiste de la souffrance psychique (psychiatre, pédopsychiatre ou psychologue) et un somaticien (généraliste ou pédiatre) prêt à assumer la continuité des soins. La prise en charge thérapeutique comprend un fort soutien psychologique du malade, avec la mise en place d’une thérapie familiale pour les enfants et les adolescents. La psychothérapie doit durer au moins un an après une amélioration clinique significative. L’objectif pondéral reste primordial. Car « on a trop pensé que le psy était la seule solution. Aujourd’hui, on ne transige plus sur le poids », souligne le Pr Venisse. La recommandation ? Stopper d’abord la perte de poids, puis gagner un kilo par mois.
°L’hospitalisation à temps plein, si nécessaire
Avant de décider d’une hospitalisation à temps plein, le médecin s’appuie sur une association de critères médicaux, psychiatriques et environnementaux et leur évolutivité, décrits par la HAS dans un tableau. Parmi eux, une perte de poids rapide (l’IMC inférieure à 13,2 kg/m2 à 15 ans est le seuil critique), l’élévation de la créatinine, l’acétonurie. Mais aussi un risque suicidaire, l’échec ou l’impossibilité d’une prise en charge ambulatoire, un isolement social, des conflits familiaux sévères et l’épuisement familial. « L’image de l’hospitalisation, avec isolement totale des anorexiques reste forte. Or, ce n’est plus le cas », précise Jean-Luc Venisse. Il s’agit d’instaurer avec le malade et sa famille un climat de confiance, même si on doit envisager l’hospitalisation sous contrainte lorsque le risque vital est engagé. Le patient peut sortir lorsqu’il a stabilisé le poids atteint au sein du service hospitalier, afin de diminuer les risques de rechute.
« Aujourd’hui, la moitié des anorexiques guérissent totalement », indique le Pr Venisse. Et cette statistique peut s’améliorer grâce à une bonne prise en charge.
** Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire (AFDAS-TCA), qui répertorie les associations de famille sur son site, www.anorexieboulimie-afdas.fr ; Fédération nationale d’associations TCA, présidée par Christine Chiquet, www.fna-tca.com.
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