« Le scandale, c'est de faire un procès à un médecin qui ne veut que bien soigner ses malades ». Ce mardi 2 octobre, costume beige et cravate texane autour du cou, le Dr Julien Blain répète inlassablement ce que son avocat a détaillé devant les juges du tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) de Pontoise, dans le Val d'Oise : seule la sécurité de ses patients lui importe.
Ce généraliste de 61 ans, installé à Saint-Brice-sous-Forêt (Val d'Oise), est poursuivi pour avoir inscrit un trop grand nombre de fois la mention « non substituable » sur ses ordonnances. Condamné à une pénalité financière de 400 euros par sa caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) après un contrôle de son activité, il a refusé de payer cette somme et a donc été convoqué devant le tribunal.
Sacerdoce
Devant la présidente du tribunal et ses deux assesseurs, l'avocat du Dr Blain, Me Nicolas Choley, rappelle que son client « compile les recherches sur les génériques depuis plus de dix ans ». Il en est arrivé à la conclusion que ceux-ci sont plus dangereux pour le patient que le médicament princeps, d'où les multiples mentions « NS ». « Le ministère, l'assurance-maladie et l'Agence de sécurité du médicament (ANSM) sont restés silencieux face à ses arguments et interpellations », souligne-t-il. L'avocat pointe aussi du doigt une violation « du principe du contradictoire » de son client. « La procédure de pénalités a été lancée avant la fin du contrôle d'activité du médecin ! »
Surtout, il attire l'attention sur le devoir, « le sacerdoce » du médecin de famille : la santé de ses patients. « Comme il aime à la rappeler, le Dr Blain fonde sa décision en fonction des trois « M » : la maladie, le malade et le médicament, fait valoir Me Choley. Or, il y a un problème d'intolérance et d'inefficacité du médicament générique, telles sont les raisons du Dr Blain. »
Face à eux, la représentante de la caisse du Val-d'Oise a expliqué les causes de la pénalité financière infligée au médecin : un taux de mention « NS » de 72,2 %, entre le 1er septembre et le 31 décembre 2013, contre 5,3 % de moyenne nationale. Selon elle, ces taux justifient à eux seuls une pénalité. Le médecin a une liberté de prescription mais la mention NS, prévue dans le code de santé publique, doit cependant rester « exceptionnelle ».
L'employée de la caisse regrette par ailleurs que sur 277 prescriptions, seules 18 aient été utilisées dans l'affaire. « Le Dr Blain a opposé systématiquement le secret médical pour les autres, alors que le service médical de la caisse n'y est pas soumis », assure-t-elle. En guise de dernier argument, la caisse met en avant la jurisprudence de la Cour de cassation de juin 2018, où les magistrats ont estimé que le recours à une prescription assortie de la mention non substituable doit être justifié par le médecin prescripteur lui-même.
Applaudi à la sortie pour ses patients
Mais il en faudrait plus pour déstabiliser le Dr Blain, galvanisé par le soutien de ses patients. Présents à l'audience, une trentaine d'entre eux l'ont applaudi à la sortie de la salle. Tous disent comprendre son combat et louent « ses qualités de médecin ». Danielle, 70 ans, est venue spécialement de Versailles pour saluer la bataille du praticien. Elle assure avoir subi les effets secondaires d'un médicament générique en juillet 2017, avant de se tourner vers le Dr Blain. « Si j'avais pu prendre la parole devant la juge pour témoigner, je l'aurais fait », confie-t-elle.
La décision du tribunal est mise sous délibéré jusqu'au 28 novembre prochain. Me Nicolas Choley, espère une décision en faveur du Dr Blain. Dans le cas contraire, le généraliste est prêt à se pourvoir en cassation (il n'est pas possible d'interjeter appel pour les affaires de moins de 4 000 euros). « C'est une question de principe », conclut-il.
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