La Roche-Derrien et les communes avoisinantes attendaient un médecin, c’est finalement un druide qui s’est présenté. Après de longues recherches infructueuses pour faire venir un généraliste, le maire de ce petit village des Côtes-d’Armor, s’était résolu à accepter une drôle de proposition, celle d’un « druide guérisseur, shaman breton ».
Gwenaël Trochet (dit Gwenn-Maël), devait débuter ses consultations hier vendredi 18 mars, dans des locaux mis à la disposition par la mairie, pour une période d’essai d’un mois.
Sauf que ce guérisseur ne viendra jamais prodiguer ses soins druidiques. Et pour cause : toute cette histoire n’est en réalité qu’un habile coup de com’ monté par les élus locaux pour attirer l’attention sur leurs difficultés (bien réelles) à faire venir des médecins.
« Rééquilibrage énergétique »
Opération réussie. Jeudi, la presse locale et nationale s’empare de l’affaire, intriguée par le retour d'un druide en Bretagne. À la mairie, tout le monde joue le jeu, évoquant même des tarifs de consultation de l’ordre de 25 euros (sic).
Jean-Louis Even, le maire de La Roche-Derrien, explique sa démarche dans une vidéo diffusée sur « Le Télégramme ». À propos de ce guérisseur, il espère qu'« iI y a une chose qu’il ne fera pas, c’est du mal. Mais s’il peut apporter un peu de bien et décharger un peu les médecins… ».
Sur « Europe 1 », le faux druide explique qu’il est « une aide complémentaire aux médecins », qu’il s’appuie sur « un travail basé sur les plantes et les pierres », sur « le rééquilibrage énergétique par le biais du magnétisme ». Sur un site Web et sur sa page Facebook (qui mérite le détour, ici), il poste quelques vidéos où il présente sa méthode. Près d’un point d’eau, il explique : « Cette pierre a la particularité de faire que nous soyons en communion avec la patientèle que j’aurai… le soleil va m’indiquer de son doigt puissant [laquelle] je dois choisir. »
De quoi mettre la puce à l’oreille des plus crédules. Dès jeudi, des internautes flairaient le canular et démasquaient le faux guérisseur, un acteur et musicien breton.
Créer le buzz
L’objectif des élus a cependant été atteint. « On souhaitait attirer l’attention au niveau national sur nos difficultés, explique au “Quotidien” Jean-Louis Even. Cela fait près de sept mois qu’on cherche à faire venir deux médecins pour pallier un départ et celui d’un autre praticien de 68 ans qui aimerait prendre sa retraite. »
Bouche-à-oreille, petites annonces (notamment sur leboncoin.fr), affichage… la mairie a presque tout essayé pour recruter. Quant aux cabinets de recrutement spécialisé, le maire y a renoncé estimant la facture bien trop élevée pour des garanties de résultats insuffisantes.
« On s’est dit qu’il fallait créer le buzz. On a pensé à faire une petite vidéo, mais finalement on s’est tourné vers une agence de communication qui nous a proposé de monter ce coup » confie le maire, impressionné par les résultats médiatiques de l’opération.
« Secouer l’ARS »
Il espère que la situation va rapidement se débloquer. « Les médecins de la commune sont à bloc. Ils multiplient les astreintes depuis le départ de leur confrère. Samedi dernier, le cabinet était fermé pour cause d’épuisement… un praticien était malade. Ça ne peut pas durer », explique-t-il.
Installé à La Roche-Derrien, le Dr Yves Droumaguet confirme. « C'est devenu infernal depuis le départ de notre confrère. On travaille en flux tendu permanent, de 7h30 à 20h30. Si l'un de nous a un problème quelconque, que va-t-il arriver ? Avec l'augmentation de la patientèle, des charges administratives, le risque qu'on fasse une connerie augmente fatalement... »
Les généralistes vont-ils répondre à l’appel ? « Pour l’instant, nous n’avons rien de sérieux. Mais on l’espère, parce que la commune a tous les atouts pour les séduire, un cabinet médical pouvant accueillir plusieurs médecins, des professionnels de santé, un hôpital à proximité, un cadre de vie agréable… » répond Jean-Louis Even.
Le maire attend aussi une réaction des autorités, « on espère que cela va secouer l’ARS et le ministère de la Santé », qui jusqu’à présent ne leur proposent pas de solution.
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