Il ne mâche pas ses mots. Généraliste à Malestroit (Morbihan), le Dr Loïc Hervé ne se résout pas à voir nos campagnes désertées par la médecine générale. « Subissant les conséquences de l'effondrement de la démographie médicale, écrit-il, j'éprouve, comme beaucoup de mes confrères, de plus en plus de difficultés à faire face à l'augmentation de ma charge de travail. »
Là où certains baisseraient les bras ou feraient valoir leurs droits à la retraite, le Dr Loïc Hervé n'abandonne pas. Ayant observé pendant des années « la dégradation lente et prévisible de notre système de soins », il adresse aux candidats à la présidentielle la « lettre ouverte d'un médecin de campagne fatigué, lassé et exaspéré ».
Dans ce courrier qu'il destine aussi à ses confrères, (« consœurs, confrères, les apostrophe-t-il, entendez-vous le cri sourd du pays qui vous appelle ? »), il propose plusieurs outils pour régler « en trois mois » le problème de la désertification médicale.
La Californie plus attractive que la Sibérie
Se déclarant « profondément hostile » à la remise en cause de la liberté d'installation, le praticien n'en est pas moins choqué par les sommes investies dans l'incitation, et notamment la prime à l'installation de 50 000 euros décidée par la dernière convention. « Comment allons-nous expliquer aux professeurs, aux infirmières, aux postiers, aux garagistes, aux boulangers et aux agriculteurs de nos villages qu’eux n'ont pas droit aux 50 000 euros pour s'installer ou pour rester ? », s'interroge-t-il.
Il reconnaît que « la Californie sera toujours plus attractive que la Sibérie », et pour assurer une présence médicale dans les zones les moins tentantes, le Dr Hervé déroule son plan.
Stage obligatoire et retraités en renfort
Premier outil, le service de renfort médical (SRM). Il s'agit de rendre obligatoire le stage ambulatoire de soins primaires en autonomie supervisée (SASPAS) pour tous les internes en médecine générale. À l'occasion de ce stage de six mois, effectué en fin de cursus, les SASPAS seraient mis à la disposition des agences régionales de santé (ARS) qui auraient la maîtrise des affectations. « Quand on est médecin, argumente le praticien, on a des droits mais aussi des devoirs ». Sous le contrôle d'un maître de stage, ces stages seraient affectés dans des maisons de santé, dans des cabinets dont l'activité a cessé brutalement, ou dans des dispensaires. Les médecins remplaçants seraient eux aussi soumis à cette obligation de six mois. « La liberté d'installation et la licence de remplacement ne seront accordées qu'après validation par l'ARS de l’accomplissement de ce service », précise Loïc Hervé.
Deuxième proposition : la création de cabinets médicaux provisoires, dont un modèle est en expérimentation à Malestroit, affirme le médecin. L'idée est d'inciter une commune sous-dotée en offre de soins à créer un cabinet médical et à en supporter les coûts de fonctionnement. Un généraliste en activité endosserait la fonction de médecin employeur et utiliserait les services de médecins collaborateurs salariés volontaires, puisés dans le vivier des praticiens retraités.
Ohé jeunes médecins et retraités, c'est l'alarme !
Le Dr Hervé propose enfin la création d'un « service de santé rurale et des zones sensibles ». L'idée est d'utiliser des structures fixes comme les centres de santé, et pourquoi pas de créer de structures mobiles, dans lesquelles travailleraient environ 500 médecins salariés, fonctionnaires ou contractuels (soit cinq par département).
« Ohé, jeunes médecins, internes et remplaçants professionnels, lance le praticien, un brin emphatique, c'est l'alarme ! Ne vous étonnez pas si nous nous tournons vers vous car nous avons besoin de médecins et vous avez été formés pour ça. Ohé médecins retraités, c'est l'alarme ! Nous avons besoin de vous, sans votre mobilisation, cette demande restera lettre morte. »
Le généraliste se paye même le luxe de se moquer des politiques qui n'ont pas su voir venir la désertification. « Pourtant, ironise-t-il, ce n'était pas difficile. Il suffisait de connaître les dates de naissance des médecins. »
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