Jugé samedi 24 juin par la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins de Basse-Normandie, un généraliste de Cherbourg risque la radiation pour des propos discriminatoires et eugénistes à l'encontre des personnes handicapées.
Le 21 janvier, le Dr Jean-François Pion, médecin généraliste à Cherbourg, attend dans une maison d'accueil spécialisée, en compagnie d'une infirmière, une ambulance qui doit conduire à l'hôpital un de ses patients, lourdement handicapé. Le véhicule se fait attendre et la langue du praticien se délie, selon les propos rapportés par l'infirmière. Les handicapés ? Des « neuneus », estime le praticien pour qui le terme de handicapé est « un pansement de vocabulaire ».
« Un bon coup de cyanure »
Évoquant ensuite les pratiques nazies, le praticien confie à l'infirmière ne pas comprendre, au sujet des handicapés, « qu'on les laisse se reproduire » assurant que leur stérilisation « serait une bonne chose ». Et d'aller encore plus loin : « Parfois, affirme-t-il, un bon coup de cyanure, et paf. »
Selon « Libération » qui a relaté l'affaire, la hiérarchie de l'infirmière a transmis le dossier à l'ARS de Normandie qui a porté plainte devant la chambre disciplinaire de l'Ordre. Face à ses accusateurs, le Dr Pion est « sûr de lui, confiant », rapporte « Libé ». Il assume ses propos qu'il qualifie de paroles « cyniques, désabusées et philosophiques », à mettre sur le compte de la fatigue et de la maladresse.
Son avocat défend la thèse que la chambre disciplinaire n'a pas à juger des propos tenus dans un cadre privé. Mais le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique à l'Ordre national, rappelle au « Quotidien » que le code de déontologie est très clair. L'article 31 stipule que « tout médecin doit s'abstenir, même en dehors de l'exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci ». L'ordinal soutient que « lorsqu'un médecin se permet des propos d'une telle gravité, il déconsidère toute la profession ». La décision est mise en délibéré et sera rendue d'ici à un mois.
La direction de l'ARS précise de son côté au « Quotidien » qu'elle a saisi la chambre disciplinaire ordinale « au regard de faits susceptibles d'être appréciés comme contraires à la morale et à la probité, de nature à porter atteinte à la dignité humaine et à déconsidérer la profession de médecin ».
De son côté, la fédération « SOS Médecins France » (SMF) déclare que « si les propos mentionnés sont avérés, SMF les condamne avec la plus grande fermeté » (le Dr Pion a participé à la fondation de l'antenne de SOS à Cherbourg).
Appréciation souveraine
Le Dr Pion ne conteste pas ses déclarations, rapporte « Libération ». Il regrette toutefois qu'elles soient « incomplètes » car il aurait exprimé à l'infirmière « sa distance, ses doutes, ses troubles » à l'égard du sort réservé aux handicapés par les nazis. Devant le tribunal, il s'inquiète encore des conséquences « de générations entières de personnes sous tutelle ou sous curatelle (...) Ces patients deviennent des cas sociaux ».
Que risque le praticien ? Si l'ARS a demandé sa radiation, le Dr Faroudja fait valoir qu'« il n'y a pas de barème, la sanction étant laissée à l'appréciation souveraine de la chambre disciplinaire ». La peine encourue peut être un avertissement, un blâme, une interdiction temporaire d'exercer, avec ou sans sursis, ou une radiation définitive (dont le praticien peut demander la levée au bout de trois ans).
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