LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Quel est l’état de l’accès aux soins aujourd’hui en Île-de-France ?
VALÉRIE PÉCRESSE : L’Île-de-France est le premier désert médical du pays. Il y a 61 000 médecins, toutes spécialités confondues, mais une commune sur deux ne dispose pas de généraliste et 44 % d'entre eux ont plus de 60 ans. Les secteurs déficitaires sont situés autant dans le cœur de Paris qu’en grande couronne, même si les zones plus isolées sont souvent les plus touchées. Il y a deux millions d’habitants en zone rurale francilienne.
Concernant les spécialistes, nous avons la même pénurie que le reste du pays. Je pense aux ophtalmologistes, aux pédiatres ou aux gynécologues. Mais comme nous sommes la région la plus jeune de France, nous avons beaucoup de naissances, le nombre de sages-femmes et d’obstétriciens n'y suffit plus. C'est une spécificité du territoire.
Vous proposez de soutenir cent maisons de santé d’ici à 2022. Comment ?
Je suis convaincue qu'il faut faire de la pluridisciplinarité la base de l’exercice libéral. En deux ans, nous avons déjà financé une cinquantaine de structures médicales libérales, maisons et pôles de santé. L’objectif est de doubler le rythme d’ici à la fin du mandat. Pour cela, nous allons augmenter de 30 % le niveau de l’enveloppe globale, qui est pour 2018 de quatre millions d’euros pour la création, la rénovation ou l'agrandissement de ces structures. Dans le détail, le foncier peut être financé à hauteur de 30 % et plafonné à 300 000 euros. Pour l'équipement, la moitié des investissements est pris en charge et le plafond s'élève à 150 000 euros. L'équipement médical peut également être financé sur le même principe (50 % plafonnés à 15 000 euros par professionnel).
Outre l'exercice pluridisciplinaire, comment faire reculer les déserts et attirer les médecins ?
Au niveau national, le tarif de la consultation n'est pas incitatif, que ce soit en zone urbaine où la vie est très chère ou en zone rurale où il n’y a pas beaucoup de patients. Pour les médecins qui accepteraient de s’installer en zone carencée, on pourrait imaginer une rémunération sur des missions de santé publique comme la prévention, les déplacements à domicile, ou le suivi des enfants. Mais ça, ce n’est pas dans les compétences de la région.
À mon niveau, je propose d'investir massivement dans la télémédecine. Nous travaillons à l’installation de cabines de télémédecine cofinancées par la région, en lien avec les cabinets médicaux. Nous aimerions commencer dès 2019. Il y a urgence, car nous sommes non seulement une région de déserts médicaux mais aussi d’embouteillages. En Ile-de-France, le principe de « médecin à moins de 30 minutes » ne s’applique pas de la même manière en fonction de l’heure de la journée.
Le loyer est très cher dans la région. Envisagez-vous des aides à l’installation pour les médecins ?
L'Île-de-France avait déjà mis en place, avant mon arrivée, des aides financières à l’installation. Cela ne fonctionnait pas, les enveloppes n’étaient pas dépensées. Cela montre qu'en réalité, ce n’est pas le coût qui est déterminant mais la peur de s’installer.
En revanche, la région peut aider à sécuriser les cabinets. Trois départements sont particulièrement touchés par les violences. Il s’agit de Paris, de la Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise. Afin de garantir aux professionnels des conditions d’exercices optimales, nous participons à la sécurisation de leurs locaux, à hauteur de 50 % de leurs dépenses et jusqu'à un plafond de 15 000 euros. Cela permet de financer aussi bien une porte blindée qu’une alarme ou un système de géolocalisation des véhicules lors des déplacements.
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