COMME dans les bons feuilletons à suspense, c’est toujours l’ultime épisode, escorté d’une dramaturgie savamment orchestrée, qui révèle les clés de l’énigme. Entamées fin juillet sous la forte pression politique du nouveau gouvernement, les négociations sur l’encadrement des dépassements d’honoraires s’achèvent donc aujourd’hui - date butoir officielle - avec une séance qualifiée depuis des semaines de « conclusive ». Si un accord sur la totalité des points semble difficile voire impossible, le scénario le plus probable reste l’élaboration d’un protocole d’accord politique entre une partie majoritaire de la profession, l’assurance-maladie et les complémentaires santé.
L’épée du PLFSS.
Plusieurs raisons poussent dans le sens d’un compromis. Le directeur de l’assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem, habile négociateur qui a résisté à l’alternance politique, sait qu’il joue une partie très importante aujourd’hui. Totalement impliqué dans ces négociations, un échec lui serait imputé. À l’inverse, il tirerait profit d’un accord historique permettant à la fois de sanctionner les abus minoritaires caractérisés et de maîtriser l’essentiel des dépassements à la faveur d’un nouveau contrat d’accès aux soins dont la vocation est d’assécher progressivement le secteur II. Ce n’est pas un hasard si le patron de l’assurance-maladie a lâché du lest dans la dernière ligne droite en se disant ouvert à une revalorisation des honoraires, une des clés d’un accord.
Côté médecins également, au-delà des postures, on mesure le risque lourd d’un échec. Marisol Touraine ayant répété qu’elle légiférerait en cas d’impasse, les syndicats de spécialistes prendraient un risque, dans le contexte actuel, à laisser le sort du secteur II entre les mains de l’exécutif ou de parlementaires prompts à imposer un plafonnement strict. L’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) commence à l’Assemblée le 23 octobre, et selon nos informations, l’exécutif a déjà envisagé un schéma alternatif pour réguler les dépassements. La loi pourrait imposer une baisse de 10 % du taux de dépassement moyen individuel dès 2013, de 20 % en 2014 etc...
Faut-il y voir un signe ? La CSMF a adouci son discours et appelle désormais à « concrétiser les bonnes intentions » puisque « des avancées positives se sont produites et ouvrent la voie d’un accord ». Une façon de dire que les négociations sont sur la bonne voie. Ce n’est pas l’avis du BLOC. Le syndicat très présent sur les plateaux techniques (qui réunit les chirurgiens de l’UCDF, les anesthésistes de l’AAL et les obstétriciens du SYNGOF) affiche sa déception. « Après douze semaines de simulacre de négociation, il faut se rendre à l’évidence, résume-t-il. L’état actuel des propositions et le traitement inadmissible réservé aux médecins laissent bien peu d’espoir à une issue favorable ».
Les complémentaires s’attaquent au monopole.
Pour les complémentaires enfin, la réussite de cette négociation présente quelques avantages, sous réserve que l’accord soit bien calibré, c’est-à-dire pas trop coûteux. D’abord, leur participation à la revalorisation du secteur I, fût-ce sous la forme de forfaits ou dans le cadre de la rémunération sur objectifs, donnerait aux mutuelles et assureurs des arguments pour peser davantage sur la gestion du risque et l’organisation du parcours de soins, écornant le monopole de l’assurance-maladie. Ensuite, la prise en charge par les complémentaires de dépassements « maîtrisés » ne bouleverserait pas forcément l’économie du secteur dès lors que les mutuelles et assureurs assument déjà une couverture large du secteur II (100 à 200 % du remboursement de la consultation pour la MNH selon les contrats, 140 à 170 % pour Malakoff Mederic, 100 à 300 % pour Groupama, 100 à 400 % pour AXA par exemple...). Enfin, les organismes complémentaires utilisent cette négociation comme un moyen de pression vis-à-vis du gouvernement. Ils conditionnent leur engagement à l’obtention de « marges de manœuvre » sous la forme d’une fiscalité plus favorable. Et François Hollande est attendu en fin de semaine au congrès de la Mutualité française... « Plutôt que de solvabiliser les dépassements, nous souhaitons mieux rémunérer les tarifs opposables, précise au « Quotidien » Fabrice Henry, président de l’UNOCAM (qui représente les complémentaires dans ces négociations). Nous avons fait des propositions. J’ai évoqué la piste des forfaits aujourd’hui entièrement pris en charge par l’assurance-maladie comme le forfait médecin traitant ».
Les jeunes et les sanctions.
Malgré ces propos apaisants, rien ne sera simple. D’abord parce que les syndicats de médecins ne se contenteront pas d’un calendrier lointain de revalorisation du secteur I. Or, c’est la carte que joue l’assurance-maladie qui voudrait étaler au maximum, sur trois ans (2014, 2015, 2016), la réévaluation tarifaire de la grille des actes techniques (CCAM). Pour amortir le choc financier, la CNAM voudrait surtout procéder à un « rééquilibrage » entre spécialités gagnantes et perdantes (le réajustement profiterait à une douzaine de disciplines mais pénaliserait la cardiologie interventionnelle, la gastroentérologie, la médecine nucléaire et la radiologie). Un casus belli pour une partie de la profession...
Autre pomme de discorde : même si la CNAM a revu sa copie sur les sanctions des abus, en acceptant que l’Ordre des médecins revienne dans le jeu, les syndicats jugent que le projet en l’état soumet encore la profession à l’arbitraire final de l’assurance-maladie. Inacceptable, notamment aux yeux des jeunes. Dans un communiqué commun, les internes (ISNIH) et les chefs de clinique (ISNCCA) réaffirment que « seules les instances de l’Ordre peuvent être garantes de la déontologie médicale et donc faire appliquer le tact et la mesure pour les honoraires ».
D’autres points « durs » - aux yeux des syndicats - devront être tranchés comme le taux maximum de dépassement retenu pour pouvoir adhérer au contrat d’accès aux soins ou les contreparties réclamées aux praticiens de secteur II qui refuseront de le signer. Largement de quoi occuper les négociateurs pendant de très longues heures...
Quatre généralistes font vivre à tour de rôle un cabinet éphémère d’un village du Jura dépourvu de médecin
En direct du CMGF 2025
Un généraliste, c’est quoi ? Au CMGF, le nouveau référentiel métier redéfinit les contours de la profession
« Ce que fait le député Garot, c’est du sabotage ! » : la nouvelle présidente de Médecins pour demain à l’offensive
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur