– Béatrice ? Tu m’entends ?
— Simon ? Tu… enfin tu sais bien qu’il ne faut pas appeler en pleine nuit, chuchote-t-elle.
— Ma Béa… elle est morte !
La voix de Simon s’étrangle :
— Les derniers moments ont été terribles. Elle criait. Non pas des cris, des gémissements, des râles insupportables. La douleur. Les palliatifs n’agissaient plus…
— Calme-toi… C’est fini, mon Simon. Et nous…
— Non, la coupe Simon. Ne dis rien… Je ne suis pas en état… Il raccroche dans un hoquet.
Dans la chambre de Florence, la fébrilité des derniers moments a fait place à un calme organisé. Infirmières et aides-soignantes de l’unité de soins palliatifs accomplissent les gestes professionnels indispensables avec une rapidité méthodique, pourtant empreinte de douceur et de respect.
Simon les observe. La dernière perfusion est extraite. Les appareils débranchés. Dans quelques minutes, le corps si maigre de Florence sera emmené vers la morgue. Demain matin, il lui appartiendra d’accomplir « les formalités ». Expression haïssable. En fait, tout est déjà prévu depuis longtemps, se souvient-il brusquement. Nous avons tout préparé depuis des semaines. Nous avons « choisi » (quel mot !) les obsèques, le cercueil, les fleurs, la marche funèbre. Tout. Y compris le faire-part. Florence avait également rédigé des directives anticipées concernant sa fin de vie, désignant Simon, son époux, comme personne de confiance. En dernier ressort, il lui revenait de demander l’arrêt des soins.
Tout avait commencé l’été précédent. Béatrice et Georges, Florence et Simon, ainsi que Gaëlle et Edouard s’étaient retrouvés au Cap Ferret. Ils se connaissaient tous depuis leurs années de jeunesse. Enfants de bonnes familles de la capitale régionale, ils avaient fréquenté le même lycée ; ensemble ils avaient écumé les mêmes soirées, pris leurs premières cuites et fumé leurs premiers joints, au goût d’interdit. Ensemble, ils avaient eu aussi leurs premières expériences sexuelles… Bien que tous aient pris le chemin de Paris, les études puis la vie professionnelle avaient scindé le groupe. En revanche, des couples s’étaient formés. Certains inattendus : la pétulante Béatrice s’était alliée à Georges le ténébreux, devenu ingénieur des Ponts. Florence, « la petite fille riche », avait convolé avec Simon, avocat sans prestige. Les sages Gaëlle et Edouard, eux, filaient un apparent parfait amour depuis la fac.
L’idée de reconstituer la bande était venue de Florence : cap sur le Cap pour l’été ! Rien que du bonheur en perspective : baignades, voile, vin blanc frais, huîtres et grillades, rires et légèreté, voluptés conjugales… Très vite cependant la dernière partie du programme s’était révélée un oxymore. La blonde Gaëlle, défiant les lois de la sagesse, prit ainsi l’habitude de siestes conjointes avec Georges… Et Simon redécouvrit avec délices le corps caramel de Béatrice, son charme acidulé, son rire. Ils avaient flirté jadis lorsqu’ils avaient tenté de faire leur médecine, avant de bifurquer vers d’autres études, d’autres rencontres…
Durant ce mois d’août, ces deux amants retrouvés s’en donnèrent à cœur joie. Et à corps que veux-tu. Rien de grave, se rassuraient-ils en batifolant dans les vagues. Une passade de vacances. Georges, trop occupé à courtiser Gaëlle, ne prêta aucune attention au manège de son épouse. Florence, elle, un peu pâle et toussotante, semblait ailleurs. Le groupe la charriait : « Notre Dame aux camélias nous snobe ! »
Hélas, le retour de vacances mit un terme à ces légèretés.
Prochain épisode dans notre édition du 14 septembre
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