Savitri dérive et chute le long des couloirs torves du métro. Le tic-tac incessant d’une immense horloge l’assaille, une rame de métro surgit, à la gueule géante, mécanique, et l’engloutit en hurlant son nom :
— Docteure Sting !
Elle se redresse d’un bond, ouvrant les yeux. Elle est assise, dans la douce pénombre d’une grotte. Une odeur humide et iodée flotte autour d’elle. La tête ronde d’un homme blond au regard inquiet apparaît soudain dans son champ de vision.
— Docteure Sting, vous allez bien ?
— Singh, maugrée-t-elle en portant une main à sa tête lourde. Comme dans Sing a Song des Carpenters…
— Vous voulez dire d’Earth Wind and Fire ?
— Que s’est-il passé ? demande-t-elle, ignorant la remarque.
— Il y a eu un grand éclair, votre défribillatruc a fait des bruits bizarres et puis… Plus rien.
— Qu’est-ce que vous faites là, vous ?
— J’essayai de vous rattraper pour vous rendre votre badge. J’ai aussi été frappé par l’éclair ! Au fait, mon nom c’est Gaspard, dit-il en tendant une main à Savitri.
Savitri l’ignore complètement et s’approche d’une des parois étranges, poreuses et palpitantes de la grotte. Dans la lueur de son téléphone portable, Savitri tâte le mur. La surface rose est humide, gluante… On dirait une éponge pleine de bave. Elle retrousse les narines, les murs sont organiques et malodorants.
— Je pense qu’on est dans un corps humain… dit Gaspard en s’approchant.
— Vous plaisantez ? hoquette Savitri en se retournant d’un bloc.
— Du tout. Je pense que le rayon qui nous a frappés nous a miniaturisés, comme dans Chérie j’ai rétréci les gosses !
— Vous voulez dire L’Aventure Intérieure ?
— Et ensuite nous sommes tombés dans le corps de votre patiente. Les poumons plus exactement… La diseuse de bonne aventure… Ne serait-elle pas un peu sorcière ?
Savitri secoue la tête.
— C’est ridicule, on ne pénètre pas un corps humain comme ça, même miniaturisés ! Les anticorps, les fluides, l’absence d’oxygène… Pourquoi vous frottez-vous sur les murs ?
— Nous sommes, dit-il en continuant à pousser, dans les alvéoles pulmonaires ! C’est bien là qu’ont lieu les échanges gazeux, non ?
— Euh, oui…
— Alors, nous pouvons passer à travers ces parois ! Ça prouvera que j’ai raison !
— Ça prouvera surtout que nous sommes en train de rêver. Hé ! Lâchez-moi !
— Venez !
Soudain, dans un bruit de succion, tous deux sont aspirés à travers la paroi. Ballotés, secoués de toutes parts, ils sentent alors… L’air libre ! Savitri ouvre précautionneusement un œil…
Ils se trouvent dans une grotte titanesque. Devant eux, un bassin immense aux hautes arches sombres : Citerne Basilique purpurine, dont les eaux cristallines charrient de larges bouées rouges, dérivantes au gré des flots…
— C’est, c’est… bégaie Savitri.
— L’intérieur du cœur, le ventricule gauche. Nous avons suivi le même parcourt que l’oxygène ! dit Gaspard dans un sourire. Ce liquide transparent doit être…
— Du plasma ! s’écrie Savitri. Et ces grosses bouées, des globules rouges ! Vous aviez raison Grattard !
— Gaspard ! réplique ce dernier en plaquant son oreille contre le sol.
— Que faites-vous ?
— J’écoute s’il se remet à battre…
— Improbable, dit Savitri. Après un arrêt cardiaque, le seul moyen de le relancer est de…
— J’entends bzztbzzt. Des abeilles ?
— Le défibrillateur ! Ils ont dû reprendre la réanimation ! Accrochez-vous !
Une puissante déflagration frappe soudain la grotte-muscle, et la machine à vivre se relance ! Ils sautent sur une bouée-globule, une vague de plasma les submerge, les entraînant une fois de plus vers l’inconnu !
Prochain épisode dans notre édition du 4 mai
Avec la collaboration de

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#4 Un sucre dans le moteur
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#3 Sur la route du cortex
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