Direction : Zuglantrov

# 6 Décision

Publié le 13/11/2020

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Résumé : Le vaisseau a rencontré un champ d’astéroïdes et le pilote a été grièvement blessé. Le médecin tente tant bien que mal de le rafistoler, sous le regard de plus en plus suspicieux de la capitaine… Parce qu’il est peut-être temps de dire la vérité : il ne sait pas vraiment soigner.

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Comme je ne réponds pas, la capitaine pivote vers moi et je n’aime pas des masses l’éclat qui passe dans ses yeux.

— Juste pour info, ajoute-t-elle, le sas est pas bien loin.

Puis, elle ne dit plus rien, attend. Elle a une manière très menaçante d’attendre.

— Je ne cherche pas à mal ni rien de la sorte, je lui dis.

— Aller voir une planète tout infectée pour le plaisir ? Permets-moi de douter un peu.

— Pas pour le plaisir, non. Les gens ont vraiment besoin d’aide.

— Sur Zuglantrov, les gens ont demandé de l’aide médicale. Donc tu vois, tu corresponds pas trop au profil.

— Non ? Et c’est des contrebandiers qui vont me lire la morale ? Non parce que je comprends très bien ce que vous faites en réalité ici.

— Mettons que tu puisses aligner deux pensées. Ah, et que tu disposes maintenant d’une info qui me donne encore plus envie de te balancer dans le sas. Un conseil, petit, commence à parler. Ma patience a des limites vraiment pas extensibles.

— Bon…

Je prends une inspiration. De toute façon, ce n’est pas comme si j’avais le choix.

— Dans mon coin, c’est impossible d’aller à l’université parce que, bah, il y en a pas. La plus proche, c’est dans le système de Ruz et ils n’aiment pas trop les gens de chez nous.

— Quoi, ya pas de médecins dans votre patelin ?

— On a des soigneurs. Mais ce n’est pas vraiment pareil. Et puis, pour devenir soigneur, il faut que ce soit une affaire de famille, voyez ? Et moi, dans ma famille, on est poissonniers.

— Tu sais que tu vas finir par me faire pleurer ?

— Je dis la vérité !

— Ouais, tu l’embellis sûrement un peu. Procédé classique pour faire pleurer dans les chaumières. Je vois toujours pas pourquoi je devrais pas te balancer du vaisseau.

— Parce que ça ne se fait pas de balancer des gens dans l’espace.

— Bon, abrège.

— Dans notre village, on a… euh… on a entendu parler de Zuglantrov et de… de ce qui s’y passait. Ils demandaient de l’aide médicale de toute la galaxie.

— Ouais, et… ?

— Et je me suis dit que…

J’hésite. Si elle répète ça à quelqu’un, je risque pas mal.

— Je me suis dit que dans la panique ambiante, je pourrais faire croire que je venais d’une université de Ruz.

— Donc si je résume : tu leur fais croire que tu fais partie de l’université de Ruz, tu retournes avec eux dans l’université en question et tu deviens un médecin ? C’est sûrement le plan le plus stupide que j’ai jamais entendu.

— Ça peut marcher ! Je connais même quelqu’un qui fait de faux papiers et…

— Ouais, ouais. Mais les faux papiers, ça finit par te trahir tôt ou tard. Et sur Ruz, ils plaisantent pas avec ça. S’ils te chopent, ils vont t’envoyer à un endroit bien pire que le patelin d’où tu viens.

— Vous allez me dénoncer ?

Elle se tourne vers moi et me fixe pendant un long moment.

— Non. Non, je te dénoncerai pas. Parce que bon, j’ai fait des trucs bien moins moraux et pour des raisons bien pires. Mais toi, réfléchis-y correctement. Poissonnier, c’est pas si mal.

Je me détourne, serre les dents. L’espace défile derrière la vitre blindée et on se rapproche à chaque minute de Zuglantrov.

Je sais bien que la capitaine a raison. Je sais que passer par des méthodes illégales pour arriver là où je veux arriver, ce n’est pas l’idéal. Mais elle est marrante, comment je suis censé faire alors que je n’ai littéralement aucun choix pour faire le métier que je veux ?

— Je vais y aller, je lui dis finalement. À Zuglantrov.

— Sûr ?

Je hoche la tête.

— Au mieux, ça passera. Et au pire… au pire, j’arriverai peut-être à aider une personne ou deux.

Svetlana Kirilina, née en Russie, a quitté, très jeune, ce pays pour la France. Elle s'est alors mis en tête d'apprivoiser la langue par l'écriture. Elle a publié quelques romans, édités ou indépendants. Bref, elle n'a pas beaucoup dormi ces dernières années. Mais, elle a une bonne réserve de café !

Svetlana Kirilina