Prévention, traitement et réadaptation cardiovasculaire

L’activité physique, un magnifique outil médical

Publié le 21/02/2013
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Crédit photo : BSIP

PERSONNE ne conteste le bienfait de l’activité physique en prévention cardiovasculaire. Mais c’est aussi un élément central de la prise en charge de la maladie coronaire, un traitement non pharmacologique majeur de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique dégradée, y compris après resynchronisation… Une très belle session animée par la Société Française de Médecine des Armées et de Médecine Aéronautique et Spatiale (SFMA-SOFRAMAS) en collaboration avec la SFC a permis de faire le point sur le pourquoi et le comment du bénéfice cardiovasculaire associé à l’activité physique chez l’obèse, le coronarien, l’insuffisant cardiaque, y compris âgé. Avec à la clé quelques règles simples à mettre en œuvre dès demain !

Obésité : améliorer qualité de vie, cœur et poids

« Faire déjà simplement bouger des obèses permet d’améliorer leur qualité de vie. Mais pour réduire leur risque cardiovasculaire, une activité correspondant à 1000 cal/semaine, soit au minimum 30 minutes de marche par jour 5 fois par semaine (environ 3 km), ou équivalent, sont nécessaires. Quand perdre du poids, maintenir une perte ou réduire l’obésité abdominale, impose une activité de 2220 à 3300 kcal/semaine soit un exercice physique assez long et intense pour mobiliser les lipides, type 45 minutes ou, mieux, une heure de marche rapide par jour », résume le Dr Richard Brion (Lyon).

Mais comment faire bouger des obèses ? « Chez l’obèse, il faut commencer par évaluer le contexte. Rechercher la notion, souvent réduite, d’antécédent d’activité physique. S’assurer de l’absence de complication – épreuve d’effort métabolique, test de marche de 6 minutes, force musculaire… Prendre en compte l’aspect psychologique. Donc privilégier les activités habillées et/ou entre obèses et rechercher les activités plaisir. Le but numéro un étant de réduire l’inactivité et amener les sujets à reprendre confiance dans leur corps » souligne le Dr Brion. C’est pourquoi on privilégie les activités aérobies en décharge et les exercices permettant de se remuscler, de s’assouplir, d’améliorer l’agilité… Mais, au total beaucoup d’activités sont adaptées et adaptables, avec si besoin l’aide d’un ergothérapeute.

Maladie coronaire : réduire facteurs de risque et morbimortalité

« Dès 1772, William Heberden – découvreur de l’angor – observe 4 ans après que quelques bûcherons en "guérissent". Mais en post-infarctus, c’est le repos au lit en décubitus qui prévaudra longtemps. Il faut attendre les années 80 pour voir apparaître les premiers programmes de réhabilitation », rappelle le Pr Jacques Monségu (Paris). « Car s’il existe une relation entre sédentarité et mortalité, on a longtemps craint de mobiliser les coronariens en raison du paradoxe liant sport et risque cardiovasculaire. » Ce paradoxe étant que le sport, ou activité intense, augmente le risque cardiovasculaire en particulier des sujets non entraînés (sujet non entraîné sédentaire, RR = 100, sujet entraîné (2 fois/semaine) : RR = 20 [1]). Quand, d’un autre côté, le niveau d’activité influe favorablement sur le risque cardiovasculaire, le risque d’athérosclérose, l’incidence de la maladie coronaire et la pression artérielle (2). Néanmoins, « même chez le coronarien, l’activité physique aérobie modérée est favorable. Elle améliore la FEVG et le remplissage, réduit la FC et les résistances périphériques, améliore la perfusion coronaire, la fonction endothéliale et l’angiogénèse (microcirculation collatérale), réduit la PA… Et modifie favorablement la morbimortalité. »

L’activité physique s’est en effet avérée supérieure aux bêtabloquants en termes d’entraînement et d’ischémie dans une petite étude randomisée (3). Elle semble aussi plus efficace que le stenting chez des monotronculaires, en termes de mortalité et de tolérance à l’effort, selon une autre étude monocentrique (20 minutes de vélo/j versus stenting, Circulation 2 004). « Et le suivi des coronariens plaide globalement pour une activité physique modérée, associée à une moindre mortalité cardiaque (Circulation 2 000) y compris chez les seniors (Circulation 2 010) et en post-infarctus (Corpus Christi Heart Project, Circulation 2 000) » selon le Pr Monsegu.

Résultat, l’activité physique constitue une recommandation de classe I chez le coronarien, même après revascularisation (4). En France, l’Académie de Médecine a d’ailleurs proposé qu’elle soit considérée comme un acte médical, prescrit et remboursé.

Insuffisance cardiaque : réhabiliter le cœur

« Depuis les années 90, on sait que l’insuffisance cardiaque (IC) ne se résume pas à une simple défaillance de la pompe cardiaque avec réponse anormale à l’effort », rappelle le Pr Laurent Fourcade (Marseille). L’IC est associée à une hyperactivation du système rénine angiotensine et sympathique, une activation inflammatoire, une limitation périphérique, des anomalies vasculaires, musculaires, de la ventilation, etc.Plusieurs publications ont montré, point par point, le bénéfice de l’activité physique sur tous ces dysfonctionnements, dysfonction ventriculaire gauche comprise. « La réhabilitation cardiaque est donc un traitement non pharmacologique majeur de l’IC dans une prise en charge globale multidisciplinaire (grade III, ESC 2 012). Ce, y compris après resynchronisation, mais pas dans les IC à fonction systolique préservée (SFC 2 012) », souligne le Pr Fourcade.

Pour autant, « la réhabilitation de l’insuffisant cardiaque impose une évaluation initiale, en particulier, une épreuve d’effort cardiorespiratoire visant à évaluer le pic de VO2, et une activité programmée dont le maître mot est la progressivité », précise-t-il. Par exemple en commençant à 50 % du VO2 max et en augmentant progressivement en fonction de la rééducation à l’effort. Généralement on pratiquera en endurance sous le VO2 cible, mais désormais cela se fait aussi, de manière fractionnée (temps de travail suivi d’un temps de récupération), au-dessus du VO2 cible.

L’amélioration de la qualité de vie dans les FEVG inférieures à 35 % est précoce et concerne aussi bien l’IC ischémique que non ischémique. Le pic de VO2 et la distance de marche à 6 minutes s’améliorent. Et, après ajustements, les risques relatifs de décès cardiovasculaires et d’hospitalisations pour IC sont réduits. Une étude menée sur des sujets relativement jeunes - 59 ans - plaide même une réduction de 30 % des décès cardiaques (5). « Seul bémol : tous les patients ne sont pas répondeurs. Et l’on a peu de données sur l’IC du sujet âgé, en termes de faisabilité, de sécurité, d’efficacité sur le VO2 max », nuance le Pr Fourcade. Il est donc indispensable d’individualiser les programmes en fonction de l’âge, des habitudes, des capacités d’effort… Et de respecter les contre-indications à l’effort physique ou l’instabilité (œdème). Même si « le principal problème reste plus aujourd’hui celui de la sous-prescription. »

D’après les interventions de R Brion, J Monsaigu et L Fourcade. Session commune SFMA-SOFRAMAS/SFC (société française de médecine des armées et de médecine aéronautique et spatiale/SFC). L’activité physique : une thérapeutique cardiovasculaire majeure.

(1)Siskovic NEJM 1984

(2) Fagar. M Sci Sports Exerc 2011;33:484-92

(3) Hambretch, Heart 1990

(4) AHA 2011, Circulation 2011, 2458-73

(5) Belardinelli, JACC 2 012

 Pascale Solère

Source : Le Quotidien du Médecin: 9220