Par Nicolas Gorodetzki
Comme une gifle, la chaleur et les odeurs violentes et pour le moins « contrastées » de cette banlieue miteuse du Caire nous prirent par surprise.
Pour une première dans un pays du nord de l’Afrique, nous étions servis. Notre lieu de résidence, en tant que coopérants, était situé en bordure d’un immense bidonville fait de baraquements en tôles, en toiles ou en matériaux de récupération inimaginables. Sans doute un endroit de la planète où le système D était instauré en dogme, voire en religion.
Il se mêlait, dans la chaleur épouvantable de ce mois de juillet, des odeurs humaines majorées par l’absence de tout à l’égout, des relents d’animaux vivant parfois dans les habitations, et surtout ces effluves entêtants d’épices flottant dans l’atmosphère à toute heure du jour et de la nuit.
S’aventurer dans ce labyrinthe relevait autant du jeu de piste que du parcours du combattant, tant les repères pour un occidental étaient inexistants, mais aussi en raison du peu de poids que représentait la vie humaine dans une zone sans loi et sans autre credo quotidien que celui de la survie.
J’allais partager cette maisonnette pendant un an avec deux autres internes en médecine, célibataires, naïfs mais pleins d’optimisme et de belles résolutions !
Il nous fallut plusieurs semaines pour nous habituer aux bruits, aux cris et au remue-ménage incessant de ce quartier.
Au fil des semaines, nous apprîmes à connaître les gens des baraquements les plus proches et à les apprivoiser. Il est vrai que la misère faisant le lit de l’intégrisme, notre statut d’occidental ne facilitait pas toujours les contacts. Certains, pourtant, eurent vite compris quel intérêt ils pouvaient avoir à commercer avec nous.
Le troc était la philosophie de base de cette population et ce que nous avions à offrir leur manquait cruellement. Il n’y avait pas de dispensaire digne de ce nom à proximité et aucun médecin ne se déplaçait par risque de se faire dévaliser… au mieux. Seuls, parfois, les pompiers se déplaçaient en nombre, à l’occasion d’incendies qui ravageaient une partie de ce tentaculaire bidonville, transformant en fumée une partie du cloaque et de ses habitants.
Ainsi, en dehors de nos heures de présence à l’hôpital, nous avions fini par organiser une consultation informelle dans notre garage transformé pour l’occasion en dispensaire.
Les consultations étaient gratuites mais les patients amenaient toujours quelque chose avec eux. C’étaient en général des denrées alimentaires locales dont une grande partie finissait dans nos poubelles, car inaptes à la reconnaissance de nos papilles gustatives européennes ! De plus, l’hygiène était déplorable, et même si on imaginait aisément que la population locale était fortement protégée contre les germes tout venant, nous n’étions pas sûrs que nos antibiotiques puissent en faire autant pour nous !
Au bout de quelques semaines, mes notions d’arabe et en particulier de dialecte du souk s’enrichirent considérablement. Néanmoins, je n’étais pas sûr, à mon retour, de faire un tabac en cours supérieur d’arabe classique, car je notais que le vocabulaire que j’apprenais était, parfois même, incompris du personnel arabe du consulat ! Mais ce que je perdais sans doute d’un côté, je le gagnais de l’autre en parlant le langage de la rue.
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