On glane bien des informations sur nos applications météo mais les méthodes de surveillance, conçues dans les années 1970, ne suivent pas face à la rapidité des changements atmosphériques. Les « nouveaux polluants », par exemple les particules très- et ultra-fines, ne sont pas encore pris en compte dans l’Index de qualité de l’air (IQA), indicateur mondial clé de la qualité de l’air. Un éditorial de la revue Science a ainsi confirmé que, lors des récents incendies urbains de Los Angeles, les relevés d’IQA rapportaient une « bonne » qualité de l’air après envol de la fumée au large alors même que de multiples toxines invisibles étaient encore libérées !
Alors bien sûr, on consulte. La deuxième Conférence mondiale de l’OMS sur le sujet s’est conclue, fin mars, sur l’engagement de plus de 50 pays, villes ou organisations à réduire de 50 % l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé d’ici 2040, un objectif soutenu par une pétition de 47 millions de professionnel.les de santé, de patient.es et de militant.es… C’est bien.
Mais, en attendant ?
Eh bien, ça ne va pas fort : chaque année en France, au moins 40 000 décès sont attribués aux particules fines. Santé publique France vient d’estimer que, chez l’adulte, 7 à 13 % des nouveaux cas de huit maladies chroniques (respiratoires, cardiovasculaires ou métaboliques) seraient attribuables à l’exposition chronique à la pollution de l’air ambiant (soit entre 4 000 et 78 000 cas, selon la maladie et le polluant considéré). La réduction aux valeurs guides de l’OMS des concentrations en particules fines (PM2,5) et en dioxyde d’azote (NO2) permettrait d’éviter respectivement 75 et 50 % de ces cas. Les bénéfices pourraient être supérieurs dans les zones les plus défavorisées et/ou urbanisées.
La grossesse constitue une fenêtre critique d'exposition à la pollution atmosphérique. Les PM2,5 et le NO2, quand ils pénètrent dans la circulation sanguine, affectent son déroulement (diabète gestationnel, désordres hypertensifs, accouchement prématuré…) ainsi que la croissance du fœtus (retard de croissance intra-utérin (RCIU), faible poids de naissance…). Une étude chinoise a confirmé que, chez des femmes enceintes ayant conçu par FIV, des taux élevés de particules et de NO2 dans l’atmosphère pendant la grossesse augmentent significativement le risque de RCIU. Les polluants atmosphériques favoriseraient des modifications biochimiques et histopathologiques du placenta, altérant sa fonction et freinant la croissance et/ou le développement fœtal.
Chaque bouffée d’air compte, même avant la naissance
L'admission en unité de soins intensifs néonatals (USIN) est un très bon reflet du risque néonatal puisque c’est là que les nouveau-nés sont traités pour, notamment, la prématurité, une détresse respiratoire ou un retard de croissance. Si moins de 2 % des nouveau-nés relèvent de prises en charge en réanimation néonatale en France, les admissions en USIN augmentent régulièrement dans tous les pays à revenu élevé. Une équipe de santé publique américaine vient de démontrer un surrisque d'admission en USIN en cas de concentrations élevées de PM2,5 et NO2 dans l’air le mois précédant la naissance. Ainsi, chaque bouffée d’air compte, même avant la naissance.
Enfin, l’augmentation régulière des maladies respiratoires chez les enfants (asthme en tête) soulève aussi des questions sur le rôle de leur environnement de vie, en général (urbain ou rural) et en particulier (alimentation, activité physique, exposition individuelle aux produits chimiques, tabac, infections…). Les enfants, à l’organisme et au système immunitaire immatures, sont plus à risque de développer des maladies allergiques ou des infections : fréquence respiratoire plus élevée, exposition aux toxines par kg de poids corporel proportionnellement supérieure, plus d'activités de plein air… Gardons en tête que l’atténuation des gaz à effet de serre, qui réduit la pollution de l’air, a plusieurs fois démontré un net bénéfice pour la santé respiratoire des enfants et des adolescent.es.
Au vu des données qui s’accumulent malgré l’amélioration de la qualité de l’air ces 10 dernières années, notre rôle de soignant doit aujourd’hui s’accompagner d’une formation continue pour mieux comprendre l’impact de la pollution et du changement climatique sur la santé de nos enfants. Il nous appartient aussi de sensibiliser les décideurs et les parents sur les mesures de prévention, d’atténuation et d’adaptation essentielles pour préserver la santé respiratoire des enfants, comme, par exemple, la stricte limitation des activités de plein air pendant les pics de pollution.
D’ici-là… Respirez à fond… Ça va bien se passer… Ou pas…
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