L'étau se resserre autour de la liberté d'installation des médecins. Un sondage d’ampleur* commandé par la Fédération hospitalière de France (FHF) à Ipsos dans le cadre du « Grand débat national », présenté mercredi, révèle que plus de huit Français sur dix (84 %) sont favorables à l’adoption d’une mesure visant « à répartir équitablement les médecins sur le territoire quitte à leur imposer leur lieu d’exercice les premières années ». Chez les sondés résidant en milieu rural le taux atteint même 87 %.
Et quand on leur demande quelle serait leur mesure principale pour améliorer le système de santé**, 7 % des Français citent spontanément l’obligation des médecins à exercer dans les déserts médicaux. 5 % pensent qu’il faut une amélioration de la répartition du personnel sur le territoire. « Finalement, n’est-ce pas un peu la même idée derrière… », glisse Étienne Mercier, directeur du pôle opinion et santé d’Ipsos. Au total, 18 % des mesures spontanées concernent le « maillage territorial ».
La FHF plaide pour un « entre-deux »
S’appuyant sur les résultats du sondage, la FHF remettra 14 propositions à Emmanuel Macron. Dans l'une d'elle, la fédération présidée par Frédéric Valletoux appelle l’État à « engager une politique volontariste pour un meilleur maillage territorial de la médecine de ville ». Et donc à en finir avec la liberté d’installation ?
« Je suis en faveur d’une régulation plus forte qu’elle n’existe aujourd’hui, rétorque Frédéric Valletoux. Je ne veux pas être définitif en disant qu’il faut en passer par là. Mais si la médecine libérale ne se saisit pas de ce sujet, que ce soit à travers des discussions entre libéraux ou avec l’Assurance maladie, (...) cette mesure proposée tous les deux mois à l’Assemblée nationale risque de finir par passer. »
Pour le président de la FHF, il existe un « entre-deux » entre « estimer que [la fin de la liberté d’installation] n’est pas un sujet et dire de manière autoritaire qu’il faut installer des médecins là où en leur demande ». Frédéric Valletoux appelle donc les syndicats de médecins à prendre leurs responsabilités : « Il ne peut pas y avoir d’indifférence de leur part. C’est à eux de formuler des propositions. » « Le coup de balancier risque d’être sévère », prévient-il. D'autant que l'adoption d'une telle mesure n'entraînerait pas de « de blocage dans la population française », enchérit Étienne Mercier, d’Ipsos.
À ce titre, la signature d’un accord conventionnel sur les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), en négociation depuis janvier, pourrait constituer « une avancée positive », estime Frédéric Valletoux. À condition toutefois que « l’esprit de ces coopérations permette un meilleur dialogue avec la médecine hospitalière et d’améliorer la permanence des soins dans les territoires ».
4 jours pour un rendez-vous chez le MG, 42 % de passages aux urgences pour des motifs inadéquats
Il faudrait au moins cela pour chasser la coercition à l'installation du cerveau des Français. Car le sondage d’Ipsos met, une fois de plus, en lumière de grosses difficultés dans l’accès aux soins. Il ressort notamment que 42 % de nos concitoyens indiquent s’être déjà rendus aux urgences pour une raison inadéquate (voir ci-dessous). Pour l'anecdote, 82 % des sondés se disent favorables à rendre obligatoire une consultation chez un généraliste avant d'aller aux urgences « en cas de problème de santé bénin ».
Le sondage révèle également que les délais pour obtenir un rendez-vous médical sont très longs. Il faut en moyenne quatre jours pour un généraliste, deux mois pour un dermatologue et même trois pour un ophtalmologiste.
Enfin, concernant le temps moyen de déplacement entre leur domicile et leurs services de soin, le seuil de tolérance de nos concitoyens est presque atteint. Ainsi, alors que les Français estiment que la durée maximum de transport « acceptable » est de 15 minutes pour accéder à un généraliste, le temps moyen actuel pour le faire est de 13 minutes.
* Sondage mené auprès de 5 809 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus, entre le 27 février et le 1er mars 2019.
** Les résultats à cette question sont provisoires. Ils sont basés sur les réponses de 4 300 répondants au moment de la publication de cet article.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes