On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Telle pourrait être la devise des généralistes qui, non contents d’utiliser les applis santé, ont décidé d’en créer. Pour le Dr Safia Slimani, c’est en tout cas la nécessité qui l’a poussée à se lancer. « Quand je remplaçais, je me suis retrouvée face à un cas que je n’arrivais pas à résoudre. J’ai donc posté un message à destination de mes confrères sur Facebook pour demander de l’aide. » Après cet épisode, la généraliste a donc cherché à savoir s’il existait déjà des applications permettant justement d’élargir son réseau de compétences. Face au vide, la jeune femme de 37 ans a donc l’idée de créer MedPics, application où les médecins partagent par des photos leur cas clinique et échangent sur les diagnostics. « Je me suis tournée vers une version mobile car les médecins sont des nomades, cela correspond à leurs comportements », explique le Dr Slimani.
[[asset:image:11341 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]]À l'instar de cette consoeur, pour les médecins qui se lancent dans l’aventure, il est davantage question de répondre à une situation et moins de vouloir à tout prix créer une application. « Je ne suis pas un geek. Faire une application toute seule ne m’intéresse pas. Là, c’est pertinent, parce que mon application s’inscrit dans le projet d’un réseau de soins », souligne le Dr Michael Thanacody. Ce généraliste de 31 ans, de Strasbourg, a lancé il y a quelques mois Doc Paces. Destinée aux étudiants des filières santé, l’application réunit les annales des différentes facultés de médecine et propose plus de 9000 QCM en ligne. C’est aussi la nouvelle branche de Hey Doctor, portail de professionnels de santé créé par le Dr Thanacody, et qui réunit des actualités, un lexique médical, un agenda ou encore un volet emploi/ remplacements.
De son côté, le Dr Jean-Marie Castellucci, généraliste à Lecci, en Corse, reconnaît qu’il a une appétence pour l’informatique, mais c’est son expérience avec ses patients qui l’a amené à imaginer DocForYou. « Parmi mes patients, il y en avait beaucoup qui allaient sur Internet et qui s’appropriaient les histoires des autres, la plupart du temps les pires pathologies. J’avais aussi remarqué que souvent j’arrivais à poser un diagnostic sans les examiner. » À partir de ce constat DocForYou est né. L’application permet à partir des symp-tômes décrits par les patients de « poser un premier diagnostic et de pré parer une consultation. Le but n’est pas de remplacer le médecin, prévient le généraliste corse de 35 ans, mais de renseigner le patient de manière personnelle pour éviter qu’il s’approprie les maux des autres ».
La fibre entrepreneuriale, avant tout 21 000 membres sur MedPics, 3000 téléchargements en quelques mois pour DocPaces et plus de 200 000 pour DocForYou. Les chiffres donnent raison aux idées de ces généralistes qui ne sont toutefois pas devenues des applications en un jour. Tous ont dû s’entourer d’informaticiens, de développeurs, de designers. « J’ai d’abord travaillé avec d’autres professionnels de santé pour savoir quelles questions poser pour analyser les symptômes. Il a fallu ensuite transformer cet algorithme de pensée en algorithme informatique », explique le Dr Castellucci.
Pour agglomérer tous les QCM, le Dr Thanacody a également abattu un gros travail : « Doc Paces, c’est deux ans de préparation », confie-t-il. Pour tous, cela signifie donc avoir des affinités avec l’entreprenariat car se lancer demande, au-delà des compétences, du temps et un peu d’argent. Le Dr Safia Slimani travaille actuellement aux urgences à Salon-de-Provence, mais elle consacre la moitié de son temps à MedPics avec l’aide de son frère ainsi que d’un développeur et un web-designer. « Nous avons débuté sur nos fonds propres, on a donc essayé de minimiser les coûts et nous n’avons pas fait de campagne de communication active. Lorsqu’on a passé le seuil critique au niveau des utilisateurs, on a su qu’il fallait faire d’autres évolutions et extensions », explique-t-elle.
[[asset:image:11346 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]]Le Dr Thanacody reconnaît aussi avoir investi « une grosse somme », et prévient que le poids financier à assumer doit être une mise en garde pour ceux souhaitant se lancer à la légère. « Pour l’instant, mon application n’est pas encore rentable. Il faut bien calculer son coût, parce que la moitié des applications santé s’effondrent dans l’année. Il faut payer la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), Apple ou les autres hébergeurs, et pour des serveurs à jour. C’est aussi pour cette raison qu’il y a très peu de personnes physiques qui se lancent seules dans l’aventure et qu’on retrouve davantage des applications venues de laboratoires qui peuvent assumer financièrement », détaille le généraliste alsacien.
En 2014, une étude de la compagnie Flurry calculait que la durée de vie moyenne des applications santé avant leur déclin était de six mois. Alors, pour nos généralistes, si leur expérience dans le monde des applications a pu leur donner envie de progresser plus avant, c’est une décision à considérer avec précaution.
Le Dr Castellucci estime, par exemple, qu’il y a un vide dans le domaine de la collaboration entre professionnels de santé. « Personnellement, j’ai la motivation d’entreprendre, mais nous sommes dans l’incertitude avec l’état du DMP. Si je commence à travailler sur une application et que le DMP est élaboré, on nous dira que nous ne pouvons pas utiliser l’application. J’aurais alors perdu de l’argent et du temps. »
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