LE QUOTIDIEN : Quel est le besoin auquel TokTokDoc cherche à répondre ?
Dr DAN GRÜNSTEIN : Avec mon collègue Laurent Schmoll, nous avons depuis longtemps compris que le premier désert médical, ce ne sont pas les campagnes, mais les Ehpad. Les médecins ne s’y déplacent pas ou peu car ils ont énormément de choses à faire, et il est compliqué de déplacer les patients qui y résident. Développer la télémédecine dans les Ehpad est donc une façon de réintroduire de l’accès aux soins, et c’est pour cela que nous avons développé notre solution.
En quoi cette solution consiste-t-elle ?
Nous pouvons fournir un logiciel de téléconsultation qui permet à l’infirmière de l’établissement de solliciter le médecin du patient. Mais nous avons aussi un réseau de médecins généralistes et spécialistes que nous pouvons mettre à disposition si le patient n’a pas de médecin. Nous pouvons par ailleurs accompagner les usages via des formations à destination des professionnels des Ehpad.
Nous ne sommes pas rémunérés à l’acte, mais par abonnement, ce qui permet à nos médecins de prendre tout le temps nécessaire
Pouvez-vous donner des exemples d’utilisation de TokTokDoc ?
Je prendrai deux exemples. En médecine spécialisée, tout d’abord, on sait que les résidents en Ehpad ont en moyenne huit pathologies, les plus fréquentes concernant la neurologie et la cardiologie. Dans l’immense majorité des cas, les cardiologues ne font plus le suivi du patient quand celui-ci est institutionnalisé. On a donc des patients cardiaques qui n’ont pas vu de cardiologue depuis deux ans. Nous pouvons offrir l’accès à ce spécialiste. En médecine générale, d’autre part, selon les estimations, un résident sur deux ou sur trois n’a pas de médecin traitant. Les Ehpad font donc tout bêtement appel à nous pour des renouvellements d’ordonnance.
En quoi votre solution se distingue-t-elle des autres qui sont déjà sur le marché ?
Les outils de téléconsultation sont généralement conçus pour un patient autonome, et non pour un patient accompagné. Chez nous, c’est l’infirmière de l’Ehpad qui se connecte, et nous sommes interfacés avec le dossier patient informatisé de l’établissement, ce qui est essentiel. Par ailleurs, alors qu’il peut parfois y avoir une certaine fascination pour les objets connectés, nous n’en avons pas besoin, sauf éventuellement pour les stéthoscopes connectés : c’est l’infirmière qui transmet les données. J’ajoute que nous ne sommes pas rémunérés à l’acte, mais par abonnement, ce qui permet à nos médecins de prendre tout le temps nécessaire pour aller chercher les informations, discuter avec le patient, avec l’infirmière, etc.
Quels sont les freins à votre développement ?
J’aimerais que les tutelles prennent conscience de quelque chose. La télémédecine n’était à l’origine remboursée que pour les résidents, puis elle a été généralisée à la faveur du Covid. Il y a eu beaucoup d’abus, et l’Assurance-maladie a instauré, à juste titre, des règles. Mais aujourd'hui, si je veux travailler avec un médecin qui a déjà atteint son quota de 20 %, il ne pourra pas donner son temps à la personne âgée qui a un véritable problème d’accès. Par ailleurs, les tarifs sont les mêmes pour tout le monde. Un cardiologue va avoir du mal à coter 30 euros en téléconsultation, alors que dans sa pratique quotidienne il va pouvoir facilement coter 80 euros. Cela qui ne permet pas à la télémédecine de se développer correctement.
Propos recueillis par A. R.
Dr Dan Grünstein (TokTokDoc) : « Développer la télémédecine dans les Ehpad est une façon de réintroduire de l’accès aux soins »
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