Le nouveau PDG d'Orpea Philippe Charrier et le directeur général pour la France Jean-Christophe Romersi ont été reçus ce mardi 1er février au ministère de la Santé, par la ministre déléguée chargée de l'Autonomie Brigitte Bourguignon. Cette convocation fait suite aux révélations du livre-enquête du journaliste Victor Castanet sur les conditions dramatiques dans les Ehpad du groupe privé.
La ministre leur a « exprimé sa colère » et « l'indignation du gouvernement quant aux pratiques et dysfonctionnements graves et intolérables », est-il précisé dans un communiqué. Le gouvernement présentera d'ici fin février des propositions pour mieux « prévenir à l'avenir des situations comparables », et va pour ce faire « consulter dans les prochains jours les représentants des familles, les élus départementaux, les acteurs du secteur et les partenaires sociaux », a indiqué la ministre.
« Nous lançons aujourd'hui une enquête Igas (Inspection générale des affaires sociales) et une enquête financière » de l'Inspection générale des Finances (IGF), a-t-elle ajouté. L'ouverture d'une double procédure visant un groupe d'Ehpad privé dans son ensemble « est une première, parce qu'il faut taper fort pour montrer qu'on ne fait pas n'importe quoi » dans ce secteur, « une activité lucrative mais qui ne doit pas l'être au détriment de la bientraitance », a encore commenté Brigitte Bourguignon.
Rationner pour plus de rentabilité
La ministre a également exprimé son « dégoût pour les pratiques managériales » d'Orpea, après la lecture du livre Les Fossoyeurs, qui y décrit un système où les soins d'hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents sont « rationnés » par souci de rentabilité. Dans ce livre, « c'est un système entier qui est dénoncé et c'est ça que je veux comprendre », a poursuivi Brigitte Bourguignon.
Le groupe privé, qui continue à rejeter en bloc ces accusations, avait tenté d'allumer un premier contre-feu en limogeant dimanche son directeur général depuis plus de dix ans, Yves Le Masne (remplacé par Philippe Charrier). « C'est un gros fusible, mais (...) ça ne cache pas tout le reste du compteur, on va essayer de creuser tout cela », a commenté la ministre. Quelque 354 Ehpad appartiennent au groupe.
Le départ du directeur général « ne présage en rien que les accusations sont fondées », selon une source proche du groupe. L'entreprise a d'ailleurs publié mardi un communiqué d'une pleine page dans Le Parisien, pour affirmer qu'elle comptait faire « toute la lumière » sur les faits allégués.
« Des manquements peuvent exister », mais « soyez assurés que partout, toujours, dès que nous avons connaissance d'un dysfonctionnement, nous prenons toutes les dispositions pour y remédier », assurent les dirigeants du groupe. Cette « lettre aux familles », destinée à les « rassurer », doit également être publiée mercredi dans la plupart des journaux régionaux.
La colère des familles de résidents
Sur le plan judiciaire, Orpea est par ailleurs sous la menace d'une « action collective conjointe » lancée par des familles de résidents en colère. En portant plainte simultanément, ces familles « entendent faire nombre, avoir du poids face à un géant », a expliqué lundi leur avocate, Me Sarah Saldmann, qui veut lancer cette procédure d'ici quelques semaines pour, selon les dossiers, « homicide involontaire, mise en danger délibérée de la vie d'autrui, violence par négligence » ou « non-assistance à personne en danger ».
Vendredi, l'établissement Orpea de Neuilly, « Les bords de Seine », particulièrement pointé du doigt dans l'enquête de Victor Castanet, avait fait l'objet d'une inspection diligentée par l'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France et le conseil départemental des Hauts-de-Seine. Cette même résidence est en outre visée par une enquête préliminaire ouverte en 2020 par le parquet de Nanterre, suite à un dépôt de plainte pour des faits d'homicide involontaire concernant une résidente.
Le secteur des Ehpad privés dans son ensemble « n'a rien à cacher » et est même demandeur d'une multiplication des contrôles, a fait valoir lundi le Synerpa, principal syndicat des Ehpad privés, lesquelles représentent 24 % de l'offre française. L'organisation professionnelle va par ailleurs se doter prochainement d'une commission d'élaboration d'une « charte éthique », a précisé cette responsable, pour qui les dysfonctionnements évoqués dans le livre, « s'ils sont avérés, sont condamnables ».
(Avec AFP)
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