Politique de santé

Fonctionnement des Ehpad : la Cour des comptes tire la sonnette d'alarme !

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Publié le 16/02/2022
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Pénurie médicale, absentéisme, bâtiments inadaptés… Dans son rapport annuel 2022 rendu public ce mercredi 16 février, la Cour des comptes dresse un bilan alarmant de la situation au sein des Ehpad. Un constat qui fait écho aux révélations du livre-enquête « Les Fossoyeurs » du journaliste Victor Castanet, récemment publié.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Ce n'est pas une surprise ; les résidents des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ont payé un lourd tribut à la crise sanitaire.

Entre mars 2020 et mars 2021, 34 000 personnes âgées hébergées en Ehpad sont décédées des suites du Covid-19 sur un total de 600 000 personnes, selon des chiffres de Santé publique France et de la Drees (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) .

Manque de médecins coordonnateurs et de généralistes…

Et ce lourd bilan humain ne s'explique « pas seulement par la fragilité des résidents », estiment les Sages de la Cour des comptes, dont le rapport annuel a été rendu public ce mercredi 16 février.

En effet, d'après eux, de nombreuses « fragilités structurelles » préexistantes au sein de ces structures ont été mises en lumière pendant la crise sanitaire.

Le rapport pointe par exemple la pénurie de personnel, et notamment de médecins coordonnateurs, fonction pourtant structurante dans le fonctionnement d'un Ehpad.

« Tous les Ehpad doivent disposer d’un médecin coordonnateur (Medec). Or, 32 % des Ehpad ne déclaraient aucun ETP (équivalent temps plein, ndlr) de Medec en 2015. Parmi les Ehpad contrôlés dans le cadre de l’enquête, un tiers connaissait ou avait connu récemment une vacance de poste de médecin coordonnateur. Un quart d’entre eux fonctionnait avec un temps de médecin coordonnateur inférieur aux seuils réglementaires », peut-on lire dans le rapport de la Cour des comptes. 

« La pénurie de médecins traitants se rendant en Ehpad est un phénomène très largement répandu sur le territoire », soulève par ailleurs le document. La juridiction financière note ainsi une diminution des consultations de médecins généralistes dans les Ehpad avant la crise sanitaire : « Les dépenses correspondantes sont ainsi passées de 30 € à 34 € par mois et par résident entre 2014 et 2016 à 27 € en 2017 et 24 € en 2018 », détaillent les Sages.

...absentéisme et bâtiments inadaptés

Autre problème soulevé dans le rapport ? Un absentéisme « élevé » des professionnels travaillant au sein des Ehpad « avec une médiane nationale de 10 % selon l’Agence nationale d’appui à la performance (Anap) ».

« Dans les établissements contrôlés, il se situait en 2019 à un niveau sensiblement plus élevé (autour de 20 %) », ajoutent les Sages.

Le rapport de la Cour des comptes soulève également l'utilisation de locaux « parfois inadaptés, voire vétustes ». 

Ainsi, « 15 % des Ehpad sont installés dans des bâtiments de plus de trente ans et leur configuration architecturale n’a pas toujours permis la mise en place de zones Covid-19 séparées, ni l’isolement des résidents atteints par la maladie. Seuls 45 % des Ehpad sont à même de ne proposer que des chambres individuelles. Enfin, à l’exception de ceux faisant partie d’établissements de santé, ils ne sont pas équipés de systèmes de distribution de gaz médicaux (notamment d’oxygène) ».

« Le cumul de ces difficultés (...) peut susciter de réels problèmes de qualité de prise en charge, hors situation de crise », finissent par déplorer les Sages.

Nécessité de réformer

Pendant l'épidémie de Covid-19, l'État et l'Assurance maladie ont apporté un soutien financier massif au secteur, y compris via des dispositifs pérennes, comme les augmentations de salaire décidées dans le cadre du Ségur de la Santé - mais qui bénéficient aussi au personnel non soignant, note la Cour.

Cet effort financier « aurait pu être l'occasion pour l'État d'engager des réformes structurelles trop longtemps différées. »

« Tel n'a pas été le cas », déplore les Sages, sans évoquer spécifiquement le renoncement du gouvernement à présenter une loi spécifique sur ce sujet avant la fin du quinquennat.

Pour améliorer la prise en charge des personnes âgées, le rapport préconise d'agir sur les conditions de travail des personnels (notamment en ce qui concerne la formation, l'évolution des carrières et la prévention des accidents du travail), mais aussi de mieux articuler Ehpad et filières de soins. 

Les Ehpad ne doivent pas rester « isolés » mais « s'insérer dans un ensemble fonctionnel plus vaste, soit par adossement à un établissement de santé, soit par l'appartenance à un groupe, soit encore par la mutualisation de certaines fonctions », estime la Cour des comptes.

Avec AFP


Source : lequotidiendumedecin.fr