Vous participez à une réflexion menée par l’Inca autour d’un quatrième plan cancer. Pourquoi serait-il nécessaire de le lancer ?
On peut avancer deux arguments principaux. Le cancer est à l’origine de 150 000 morts par an, soit plus du quart des décès recensés chaque année. L’assurance maladie y consacre 11 % des montants remboursés. Les plans précédents ont permis une coordination des moyens mis en œuvre, pour prévenir, détecter, traiter ce tueur de masse. Cette politique comme défi de santé publique ou tragédie individuelle est applaudie par nos voisins européens. Au cours des quinze dernières années le cancer est devenu une maladie chronique grâce aux avancées diagnostiques et thérapeutiques. Malgré celles-ci, la part du cancer dans les dépenses de l’assurance maladie a peu progressé. Mais cet équilibre est précaire. Et peut céder sous le poids des multiples innovations annoncées. Jusqu’à quel moment va-t-on suivre le progrès dont on a terriblement besoin, puisque l’enjeu c’est la vie. D’où la nécessité d’une évaluation rigoureuse, loyale qui ne fasse l’objet d’aucune suspicion. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui où le dispositif est reconnu comme imparfait. Comme le dit le Pr Joseph Gligorov (hôpital Tenon, Paris), il faut repenser le cancer dans toutes ses dimensions. Mais il faut aussi repenser le système. D’où l’enjeu d’un nouveau plan.
Certes de nombreuses avancées ont été réalisées. Pourquoi ne pas consacrer ces moyens à d’autres pathologies ?
Bien sûr, mais les autres pathologies ne soulèvent pas les mêmes défis. On a rappelé les chiffres de la mortalité. On pourrait avoir un plan maladies cardio-vasculaires. Mais se produirait une dilution extrême des moyens du fait de la grande diversité des pathologies. Quant au diabète, il bénéficie d’une prise en charge convenable. Dans le même temps se produit un démantèlement complet de l’entité cancer qui n’est pas retrouvé dans les autres maladies. Enfin, nous ne disposons pas d’une vraie politique de santé en France qui inclurait une politique éducative, environnementale, nutritionnelle par exemple. Or l’intérêt d’un plan cancer placé sous l’égide du président de la République est son caractère pluriministériel qui dépasse les seules frontières du ministère de la Santé. Ce qui touche la santé ne commence pas à la porte des cabinets médicaux ou des hôpitaux.
Outre la prévention, qu’inclut-on dans ce quatrième plan cancer ?
La part de la génétique, de la génomique dans le cancer est considérable. Est-ce que l’on dispose en matière de médecine prédictive d’une organisation optimale ? Le plan génomique 2025 répond-il parfaitement aux besoins de l’oncologie ? Les moyens disponibles pour la santé ne sont pas extensifs. On ne peut dépenser plus. Pour autant on peut dépenser mieux. Il faut rebattre les cartes. Par rapport aux moyens humains, technologiques, financiers, avons-nous la meilleure politique globale de santé face au cancer ? On peut à l’évidence faire mieux. D’où la nécessité d’un plan qui tend vers un meilleur usage possible des ressources. Le cancer a bien d’autres déterminants que ceux qui relèvent des professionnels de santé. Le cancer sous surveillance représente par an un montant d’un Smic mensuel par patient. Or on compte aujourd’hui 1,5 million de patients sous surveillance. Repenser la question du cancer, c’est se poser la question de l’avant et de l’après au-delà du pendant. Le plan cancer ne se réduit pas à la question des soins.
* économiste de la santé.
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