« La loi nous impose d’adhérer à un GHT avant le 1er juillet 2016. Nous n’avons donc pas le choix », constate froidement Emmanuel Bouvier-Muller, le directeur général du CHU de Nice. Il estime toutefois que la loi a raison de vouloir organiser l’offre de soins selon une logique de filières de soins cohérentes, graduées, sans doublon. Sans « trou dans la raquette ». « C’est le bon sens, estime-t-il. Quel que soit l’endroit où se trouve le patient, il veut rentrer dans le secteur public et se voir adresser le niveau de soins correspondant à ce que son état de santé nécessite : un service de proximité pour une "bricole", un service spécialisé dans un centre hospitalier si c’est plus compliqué, ou un service de pointe d’un CHU quand cela est nécessaire. » « Le CHU de Nice aborde la question des GHT de cette manière : l’objectif fixé par la loi est bon, essayons de l’atteindre ! », explique-t-il. Mais le plus difficile dans la mise en œuvre, pour lui « ce n’est pas tant le projet médical mais la coordination ou le rôle particulier que l’on donne à l’établissement support : cela vient heurter le principe d’autonomie qu’ont tous les établissements. »
Stratégies d’alliance
C’est pourquoi le CHU de Nice, à la manœuvre pour la constitution du GHT de son territoire, promeut des stratégies d’alliance, un système dans lequel l’intérêt de chaque établissement est sauvegardé. « C’est difficile à mettre en place, explique Emmanuel Bouvier-Muller. Il faut avancer sur chacun des sujets, et se demander comment, en étant alliés, nous allons tous en tirer des bénéfices. » Pour aboutir, il n’y a pas trente-six méthodes : il faut se voir. Tous les présidents de CME, tous les directeurs se réunissent une fois par mois depuis six ou sept mois. « Cela commence à porter ces fruits », indique Emmanuel Bouvier-Muller. La stratégie d’alliance implique aujourd’hui cinq établissements fondateurs : Cannes, Grasse, Antibes, Nice et Menton. « Mais nous voulons que les hôpitaux locaux aient une place autour de la table. »
Comme le prévoit la loi, le projet médical est au cœur du processus, d’autant « qu’il est sans doute moins compliqué à élaborer que la fonction support », estime Emmanuel Bouvier-Muller. Et d’expliquer : « Nous avons fait des groupes de travail par discipline, qui associent les membres des cinq établissements, avec une lettre de mission dans chaque groupe de travail. Tous les chefs de service ou les responsables d’unité sont présents. Nous leur avons donné des échéances. Ils doivent par exemple produire pour le 30 mai quatre à cinq orientations simples d’amélioration de la prise en charge des patients et cela fera partie de notre projet médical partagé voté fin juin. »
Craindre la perte d’autonomie
À côté du projet médical, les établissements doivent gérer de nombreuses craintes et interrogations. La principale concerne la perte d’autonomie. « Nous cherchons à répondre de manière pragmatique à la nécessité de gérer à plusieurs tout en ménageant l’autonomie de chacun. Cela va être simple pour 90 % des disciplines. Mais le plus difficile est de conjuguer les intérêts », analyse le directeur général. Liée à cette problématique, celle de la gouvernance va obliger les chefs d’établissement à s’adapter et à aussi rendre compte à l’établissement support. La question des fonctions supports est d’ailleurs délicate. « L’établissement support doit faire en sorte qu’elles soient mutualisées. Pour les autres établissements, cela peut être difficile d’accepter de ne plus avoir son propre Dim ou sa propre politique d’achat, remarque-t-il. Nous faisons en sorte que chaque établissement ait un rôle important dans les fonctions supports. »
Enfin dernier sujet délicat aux yeux du directeur général du Chu de Nice, la question des équipes médicales de territoires : « Cela peut poser un problème aux médecins qui ont l’habitude d’appartenir à un hôpital, d’avoir un port d’attache. Aujourd’hui, ils peuvent craindre ne plus en avoir. Il y a donc des solutions à trouver, comme par exemple d’établir un lien préférentiel avec un établissement. »
Comment interagir
Sur beaucoup de sujets, la façon dont l’établissement support va interagir avec les autres membres du groupe va être déterminante. Emmanuel Bouvier-Muller a conscience que son rôle va être de piloter tout en délicatesse la stratégie d’alliance mise en place et qu’en tant que support du GHT, l’établissement « va aussi avoir un lien particulier avec l’ARS et des responsabilités supplémentaires vis-à-vis d’elle sur les sujets mutualisés ». Une mutualisation dont « nous n’avons pas encore mesuré les impacts », reconnaît le directeur général du CHU. Une chose est certaine, le futur GHT a devant lui de nombreux chantiers à mener tels que les plateaux techniques de biologie médicale. « La notion de dialogue est essentielle pour mettre les gens d’accord », souligne Emmanuel Bouvier-Muller. « Je fais le pari que cette réforme, qui est une révolution, aboutira si l’on est capable, nous directeurs d’hôpitaux et présidents de CME, de bâtir de belles stratégies d’alliance, qui seront porteuses pour nos équipes. »
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