Dans la maladie rénale chronique (MRC), 76 % des patients n’ont pas eu de dépistage biologique l’année précédant la dialyse ou la greffe et un tiers des dialysés le sont en urgence. L’association Renaloo, en collaboration avec différents acteurs de la santé (professionnels, AP-HP, Caisse nationale d’assurance maladie – CNAM) veut améliorer l’information des patients et des médecins pour mieux dépister et prendre en charge les malades rénaux. Un appel qui rejoint celui de l’Académie de médecine, en faveur d’un dépistage précoce.
Les Français sont mal informés sur la santé rénale : d’après une nouvelle étude Ipsos commandée par Renaloo, sept citoyens sur 10 ne savent pas à quoi servent les reins et plus de 75 % n’ont jamais évoqué leur santé rénale avec un professionnel de santé. Renaloo lancera une campagne de sensibilisation le 13 mars pour la journée mondiale du rein, dans les lieux publics et de soins.
Les médecins ont leur rôle à jouer dans la prévention et le dépistage précoce mais ne s’en sont pas pleinement emparés. Selon la Dr Catherine Grenier, directrice des assurés de la Cnam, « il y a une sous-estimation de l’enjeu du dépistage par les professionnels de santé et des pratiques non appropriées. Nous devons promouvoir les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) auprès d’eux ». La HAS recommande de dépister chaque année les personnes à risque de MRC, à savoir les personnes diabétiques (un malade rénal sur trois), hypertendues (un malade rénal sur cinq) et obèses.
Éviter les substances néphrotoxiques
En matière de prévention primaire, il est préconisé d’éviter les prescriptions de substances néphrotoxiques comme les anti-inflammatoires ou les produits de contraste iodés et gadolinés. « Les médecins doivent arrêter de faire des scanners à l’excès », insiste le Dr Jean-François Thébaut, cardiologue et vice-président de la Fédération française des diabétiques. Une fois le diagnostic posé, les traitements néphroprotecteurs doivent permettre de ralentir l’avancée de la MRC et retarder le besoin de suppléance (notamment, les iSGLT2, aGLP-1, IEC, les sartans, ou encore la finérénome, néanmoins pas disponible en France).
Bruno Lamothe, responsable du pôle plaidoyer de Renaloo, signale des marges de progrès importantes quant à la nécessaire sensibilisation des généralistes et étudiants généralistes sur le dépistage, la conduite à tenir pour l’annonce de la maladie et la prise en charge précoce adaptée pour stabiliser la MRC. Et la Pr Julie Dupouy, vice-présidente du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), d’ajouter : « Nous, généralistes enseignants, avons une action de formation auprès des étudiants en médecine générale ».
Un score prédictif du risque de dialyse
Les biologistes sont aussi mis à contribution pour adresser vite et mieux les patients. « Dans le cadre d’une expérimentation en Alsace, ils peuvent, en accord avec les recommandations de la HAS, rappeler les patients dès le résultat pour qu’ils reviennent faire un ratio albumine/créatinine (RAC), tout en prévenant le médecin pour obtenir son accord », décrit Lionel Barrand, président du syndicat Les biologistes médicaux. Sur le compte rendu d’analyse, est indiqué au médecin traitant si un rendez-vous spécialisé est recommandé (score de risque rénal supérieur à 5 %) ou nécessaire (score supérieur à 15 %).
Les laboratoires envisagent aussi de développer des scores prédictifs du risque de dialyse, basés sur le débit de filtration glomérulaire, l’âge du patient, son RAC etc., suivant ainsi le modèle du Canada. Un score développé par Tangri et. al (2016) et mis en place en 2019 a ainsi diminué de 66 % le nombre de consultations néphrologiques et de 90 % les délais d’attente, selon Lionel Barrand. Cela a permis d’accélérer la détection et la prise en charge, un enjeu crucial pour cette maladie à évolution rapide, tout en différenciant les mauvais résultats causés par une déshydratation ou une infection.
Recourir à la téléconsultation et la télé-expertise
Pour la Dr Grenier, il faut « ouvrir les compétences des biologistes de manière large (lettre d’adressage, prescription d’autres analyses, NDLR) tout en restant pertinent sur le bon usage de l’examen. Il faut des algorithmes décisionnels partagés entre tous les professionnels de santé pour que les bons patients aient les bons tests ».
Le Dr Thébaut place de grands espoirs dans les outils numériques, « notamment Mon espace santé, pour rappeler aux patients les analyses à faire, les accompagner, les alerter sur le besoin de rencontrer un néphrologue ». Une fois la MRC dépistée, l’entrée dans le parcours de soins est primordiale.
Il n’y a rien de pire qu’un patient dépisté pour lequel on ne fait rien
Dr Benjamin Savenkoff, néphrologue au CHR de Metz-Thionville
« Parfois, entre le temps de retrouver un médecin traitant puis d’avoir un rendez-vous spécialisé, il peut s’écouler un an. Et il n’y a rien de pire qu’un patient dépisté pour lequel on ne fait rien », s’alarme le Dr Benjamin Savenkoff, néphrologue au CHR de Metz-Thionville. La télé-expertise et la télémédecine devraient réduire les délais d’accès à un néphrologue. Encore faut-il que les médecins s’emparent des outils : « On néglige trop la téléconsultation en néphrologie, alors qu’elle est un gain dans l’espace et le temps extrêmement important », déclare le Dr Thébaut.
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