À Auch, dans le Gers, quel est le point commun entre le sénateur du cru, le conseil territorial de santé et l’association des médecins du secteur ? Dans cette commune d’un peu plus de 20 000 habitants, les graves difficultés d’accès aux soins inquiètent tout le monde, au point d’alerter le gouvernement sur l’urgence d’agir.
C’est ce qui a motivé le sénateur socialiste Franck Montaugé, ingénieur de formation, à interpeller directement le ministre de la Santé dans un courrier du 5 février. Habile, l’élu réclame l’application d’un article (inappliqué) de la loi de santé de 2019, visant à déployer des internes dans les zones fragiles. Ce dispositif « permettait d’affecter pour six mois de stage des internes en fin de cursus en zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins », rappelle le sénateur. Problème : depuis, aucun des gouvernements qui se sont succédé n’a publié le décret d’application organisant ce déploiement éventuel d’internes dans les déserts médicaux. Yannick Neuder est sommé d’agir en prenant le décret requis, une interrogation que le sénateur PS compte réitérer lors d’une prochaine séance de questions au gouvernement (QAG).
Des libéraux qui disparaissent
Pas en reste, l’association des médecins du secteur d’Auch (Amsa) a écrit fin janvier au maire socialiste Christian Laprébende, au député de la circonscription Jean-René Cazeneuve (Ensemble), au directeur de l’ARS et même au Président de la République, une lettre humoristique, cosignée par le président de l’Ordre départemental des médecins Patrick Lachapele, généraliste installé ici depuis plus de 30 ans. « Nous n’avons pas pour habitude d’inciter à la consommation excessive en cette période, mais nous allons faire une exception : vous reprendrez bien un peu de désert ? Médical, cela va de soi », peut-on lire.
Entre 2010 et 2025, développe l’association, le nombre de généralistes installés à Auch est passé de 28 à 13 et quatre d’entre eux prévoient de partir prochainement en retraite, sans avoir trouvé de remplaçant. « À la fin 2025, il est certain qu’Auch intra muros comptera moins de 10 médecins généralistes », redoute l’Amsa. Quant aux spécialistes libéraux, leurs effectifs fondent également. Certains ont même disparu, comme les pédiatres, les gynécologues, les gastro-entérologues, les stomatologues, autant de spécialistes qui exerçaient en 2010. Restent quatre psychiatres libéraux, quand ils étaient 18 en 2010, seulement deux cardiologues proches de la retraite, un dermatologue ou encore un seul ORL...
« Burne out » et « game ovaire », c’est non
« Si rien ne se passe, sachez que nous ne sommes pas candidats à la couille qui dépasse (“burne out”) pour les médecins hommes, ni au “game ovaire” pour les médecins femmes », écrivent avec humour les praticiens du terroir. Le Printemps auscitain, sorte d’union de gauche locale, alerte à son tour sur la situation et appelle « en urgence » à des Assises de la santé locale. Un centre public de la santé est également réclamé.
Ce n’est pas tout : le conseil territorial de santé (CTS), qui réunit tous les acteurs du secteur, sonne lui aussi le tocsin en ce début de mois de février. Il se déclare très préoccupé par la situation de « pénurie médicale et paramédicale », ainsi que par les difficultés d’accès aux soins, en particulier pour les personnes vulnérables. À ce tableau sombre « s’ajoute une pénurie de médicaments (…) en raison de tensions d’approvisionnement et de ruptures de stock de certains produits, accentuées par un manque de fabricants ». Ces risques de rupture « se multiplient, mettant en péril la sécurité médicale des patients », insiste le conseil territorial de santé.
Il est impossible que le dernier carré de généralistes puisse s’occuper de la population du bassin d’Auch, 36 000 habitants
Même constat d’inquiétude sur les ressources médicales dans le Grand Auch, avec des départs programmés dans les communes rurales de Barran et Duran, laissant redouter un surcroît d’activité dans les années à venir. « Il est impossible que le dernier carré de généralistes puisse s’occuper de la population du bassin d’Auch (36 000 habitants). Nous arrivons déjà à saturation : demandez aux urgences de l’hôpital d’Auch, qui ne vont pas bien non plus », écrit l’Amsa.
De fait, en 2024, un rapport de la Chambre régionale des Comptes soulignait la situation également précaire de l’hôpital d’Auch. Le conseil territorial de santé confirme que le Gers « est touché par une saturation des services d’urgences, due à la pénurie de soignants et à des problèmes d’organisation ». En fin d’année dernière, l’équipe paramédicale de l’hôpital d’Auch s’était déjà mise en grève illimitée. À l’époque, les grévistes craignaient de n’avoir « qu’un seul médecin pour faire les urgences, le Smur et le service d’hospitalisation de courte durée ». Le secrétaire départemental adjoint de la CGT – et représentant du personnel à l’hôpital d’Auch - relativise quelque peu la situation au Quotidien, expliquant que « la direction a trouvé des solutions avec l’hôpital de Toulouse pour amener des médecins, maintenir des lignes ouvertes de Smur et a consenti à des renforts du personnel paramédical ». Mais le principe de la grève illimitée est maintenu. À l’hôpital comme en médecine de ville, le désert médical continue de tourmenter les esprits.
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