Moquée ces derniers jours pour son démarrage poussif, la campagne de vaccination contre le Covid-19 a été la cible de nouvelles critiques formulées ce jeudi par deux syndicats de médecins libéraux. La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et MG France ont tout deux exprimé leurs craintes, ce jeudi, devant les difficultés d'approvisionnement qui commencent à être observées sur le terrain. « Théoriquement, la France dispose d'au moins 1,5 million de vaccins à ce jour. Or, moins de 250 000 personnes avaient été vaccinées hier, où sont les doses ? », lance le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF.
Alors que les centres de vaccination essaiment sur le territoire, partout en France, le leader syndical s'inquiète de ces difficultés d'acheminement des vaccins. « Il faut accélérer le mouvement, que la logistique suive », clame le Dr Ortiz. D'autant qu'à compter de lundi, les patients de plus de 75 ans (hors résidents des Ehpad) pourront prétendre à la précieuse injection. Soit potentiellement 5 millions de personnes.
L'administration française au banc des accusés
Or, l'organisation n'est pas complètement calée. « Les patients pourront prendre rendez-vous sur des plateformes (Doctolib, Maiia et Keldoc) mais à ce jour, nous ne connaissons toujours pas les numéros de téléphone nationaux et départementaux... Tout jour perdu dans la vaccination a des impacts catastrophiques sur le plan sanitaire et économique. Il y a urgence ! » Selon le Dr Ortiz, ce résultat est à mettre au débit de « l'administration française, empêtrée dans toute sa lourdeur ».
MG France estime également que le problème qui se pose aujourd’hui pour la campagne vaccinale ne vient pas du manque de mobilisation des professionnels de santé mais de la disponibilité des vaccins. « Nous manquons de vaccins pas de vaccinateurs », souligne le président du syndicat, le Dr Jacques Battistoni. D’après une enquête menée par MG France auprès de 2 350 généralistes, seuls 10 % d’entre eux ne sont pas prêts à vacciner. La très grande majorité (70 %) sont en revanche prêts à le faire eux-mêmes tandis que 20 % sont en attente d'éclaircissements sur le vaccin.
Sur le terrain, les médecins ont répondu à l’appel pour monter des centres dédiés à la vaccination (certains centres Covid ont trouvé une seconde vie) mais se heurtent bien souvent aux refus de l'administration. « Il est difficile de construire avec des changements de pied quotidien », affirme le Dr Battistoni. Et pour l’instant, il faut bien reconnaître que les centres agréés par les préfets sont davantage hospitaliers. « Nous sommes sur une proportion de 3/4 de centres hospitaliers, 1/4 de libéraux », évalue le président du syndicat de médecins de famille.
Les promoteurs de centres refroidis
Le manque de vaccins menace le bon fonctionnement des centres... et de ralentir la création de nouveaux. À la sortie d’une réunion avec son ARS c’est la douche froide pour un des cadres du syndicat qui témoigne dans l’enquête. « En 48 heures, nous sommes passés de "bravo d’avoir monté des centres de vaccination", à "nous n’avons pas beaucoup de vaccins, nous allons prioriser le CHU". Que d’énergie et de temps de réunion gâchés pour en arriver là », s’exaspère-t-il.
La volonté des professionnels est de « rapprocher le vaccin des patients ». Les généralistes souhaiteraient notamment pouvoir vacciner au cabinet et se disent aussi prêts à le faire lors de visites à domicile, mais nous en sommes encore loin. La vaccination en ville dans les centres dédiés et menés par les organisations libérales territoriales semble compromise. « Pour pouvoir renseigner nos patients, pour qu’il y ait des prises de rendez-vous, encore faut-il avoir des garanties sur le nombre de doses et leur date de disponibilité, or nous ne les avons pas », affirme le Dr Battistoni.
Dans le 18e arrondissement de Paris par exemple, les professionnels de ville sont très motivés pour organiser la vaccination, notamment en transformant un centre Covid en centre de vaccination. « Au départ, on nous a dit que nous aurions 400 doses par semaine pour l’arrondissement, finalement ce sera 300 alors que dans le 18e, la population de plus de 75 ans éligible pour le vaccin est de 13 500 habitants », relate le Dr Agnès Gianotti, qui exerce dans cet arrondissement parisien. L’attente risque donc d’être longue.
La frustration est grande pour les médecins. « Nous ne sommes pas en capacité de répondre à une demande que l’on a créé nous-même », estime le Dr Battistoni. Le président de MG France s’interroge aussi sur les revirements du gouvernement par rapport à la stratégie vaccinale, les médecins de 50 ans et plus ayant finalement intégré les publics prioritaires au même rang que les résidents des Ehpad. Car si pour l’instant les chiffres commencent à monter rapidement, c’est essentiellement grâce à la vaccination des professionnels de santé. « Cette politique du chiffre n’est-elle pas en train d’occulter l’objectif initial de protéger les plus fragiles ? », s’interroge le Dr Battistoni.
À Metz, le Premier ministre invite les Français à être patients
Le nouvel engouement des Français pour la vaccination (les derniers sondages montrent une confiance en hausse dans les vaccins contre le Covid-19) pourrait être douché par des pénuries. Et beaucoup se demandent si l'approvisionnement, qui est pour l'heure limité à 500 000 doses de vaccins Pfizer/BioNTech par semaine et 50 000 pour le Moderna suffira pour répondre à la demande.
En déplacement à Metz, le Premier ministre a reconnu des difficultés et invité les Français à « être patients », devant le « rush » attendu. « La vaccination, on va tout faire pour la déployer vite et bien, mais il faut expliquer à nos concitoyens qu'avant qu'elle ait des effets protecteurs, il se déroulera plusieurs mois. Il faut donc dire la vérité et ne pas confondre campagne vaccinale et électorale », a-t-il plaidé devant des élus.
Devant le faible état des stocks, le ministre de la Santé a indiqué son souhait que ne soit pas ouvert un trop grand nombre de centres de vaccination.
« La difficulté que j'ai, c'est que plus on a de centres, moins on a de doses de vaccin par centre, a expliqué le ministre de la Santé Olivier Véran. Si vous avez 20 centres dans votre département et 5 000 doses par semaine pour l'instant, cela fait 250 doses par centre. »
Le risque serait que chaque centre, au bout de quelques heures n'ait plus de vaccins. Le ministre de la Santé veut éviter de se trouver dans cette situation.
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