Mardi 8 février, le Dr Jean-Paul Ortiz, néphrologue et président de la CSMF, Stéphanie Rist, député LREM du Loiret et auteur de la loi RIST ainsi que Dominique Polton, membre du Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance maladie (Hcaam) et coauteur de « Santé et libertés : faut-il choisir ? », étaient invités à débattre sur l'avenir de la médecine de ville dans le cadre des Contrepoints de la santé.
Pendant ce débat, les invités se sont livrés à de nombreuses réflexions sur le système de soins français et, ont esquissé, ensemble, des solutions à développer en vue du prochain mandat.
Une crise de la démographie médicale indéniable
En préambule, les invités se sont livrés à une analyse de l'actuelle situation démographique médicale.
« La médecine de ville subit une crise extraordinaire, elle est en train de se déliter. Les médecins s'installent de plus en plus tardivement, à 38 ans en moyenne. (...) Par ailleurs, la surcharge de travail des médecins libéraux et leur engagement sur le terrain ne sont pas de nature à attirer les jeunes générations. Le métier attire peu car il n'est pas valorisé à la hauteur de leur engagement. Tout cela se traduit par un accès aux soins de plus en plus difficile pour nos compatriotes », a introduit le Dr Jean-Paul Ortiz pointant du doigt le numerus clausus « des années 90-95 ».
Dominique Polton a estimé, à son tour, que le système de santé devait s'adapter aux aspirations de la nouvelle génération. « Les critères qui poussent les jeunes médecins à s'installer sont très différents des critères des médecins de l'ancienne génération. Aujourd'hui, les trois quarts des jeunes médecins conditionnent leur installation à la possibilité de créer une équipe de soins ou d'en rejoindre une. Il y a un véritable changement d'aspirations », a-t-elle observé.
Rejoignant ces différents constats, la député Stéphanie Rist a, elle, rappelé que s'ajoutait à cela « deux ans de crise sanitaire, le vieillissement de la population et les cinquante années de « très peu de réforme ». La médecine libérale arrive à un tournant et va devoir prendre un virage ! ».
Quelles solutions concrètes ?
« Que peut-on faire concrètement, dans le prochain quinquennat, pour améliorer l'accès aux soins ? Le levier financier doit-il être activé de façon beaucoup plus forte pour inciter à l'installation ? », a alors questionné l'un des animateurs du débat.
Pour Dominique Polton, « le levier financier seul ne suffit pas et l'expérience de nombreux pays le montre bien. » Selon l'ancienne directrice de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), « il est possible de gagner du temps médical en privilégiant le travail en équipe ». Avant d'ajouter : « nous sommes dans un pays où les médecins ont toujours travaillé de façon isolée. Pourtant nous constatons aujourd'hui que le développement des binômes médecins-infirmiers, d'ailleurs facilité par le fait qu'il y a désormais des assistants médicaux, permet aux médecins de gagner du temps médical. Je pense que c'est très porteur ! »
Rebondissant sur ce sujet, le Dr Jean-Paul Ortiz a, de son côté, souligné la nécessité de renforcer ce dispositif : « les assistants médicaux représentent certes une solution mais le dispositif se met en place trop lentement. En Allemagne, en moyenne trois professionnels à temps plein et un quatrième à temps partiel entourent le médecin. En France, nous sommes à moins d'un demi temps plein par médecin. Il faut aller vers un assistant médical par médecin et simplifier les critères d'attribution ».
Stéphanie Rist a également défendu le développement des assistants médicaux, dispositif qui, selon elle, « a montré son efficacité ».
« Je suis évidemment ravie de dire qu'il faut un assistant médical par médecin, a-t-elle assuré, avant de nuancer ; encore faut-il que le médecin accepte cela ! »
Vers de nouvelles délégations de tâches ?
La rhumatologue s'est par ailleurs engagée sur le terrain glissant des délégations de tâches et a défendu « l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) et l'ouverture de la primoprescription » pour ces professionnels de santé.
« Je pense que nous avons une forme d'obligation à donner rapidement à ces professionnels de santé de nouvelles prérogatives pour répondre aux besoins de soins », a-t-elle exprimé.
Le Dr Jean-Paul Ortiz a rétorqué : « il est évident que nous allons devoir structurer notre système de soins autour des mots-clés qui sont le regroupement et la coordination. Ce n'est toutefois pas à l'Assemblée nationale de décider que telle compétence de tel médecin va être transférée à tel autre professionnel de santé… »
Il en a d'ailleurs profité pour réclamer l'organisation d'une conférence de consensus entre tous les professionnels de santé concernés.
De son côté, Dominique Polton a mis en garde sur le principe d'accès direct : « Il faut le penser dans la perspective d'équipe. Si les professionnels continuent à travailler de manière isolée cela pourrait créer des sillons et conduire à une concurrence entre ces différents professionnels de santé. »
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