"Le maintien dans la loi de l'obligation de pratique du tiers payant pour tous les patients au 30 novembre 2017 est désormais irréaliste". L'IGAS estime que l'objectif d'une généralisation du tiers payant à tous les patients fin novembre n'est pas tenable compte tenu des "délais", des "freins techniques" et d'une confiance "encore trop fragile" des professionnels de santé.
La ministre de la Santé avait confié en juillet à l'Inspection générale des affaires sociales la mission d'étudier la "faisabilité technique" de cette réforme, quia tant dégradé les relations entre les médecins et le précédent gouvernement, mais qui était plutôt populaire dans l'opinion. Dès dimanche, Agnès Buzyn en avait divulgué la principale conclusion, en reconnaissant que "techniquement le tiers payant généralisé n'est pas faisable au premier décembre".
Les malades à 100% couverts presque tous couverts
L'Igas dresse un état très contrasté de l'avancement selon la partie remboursée et les assurés. Le tiers payant bénéficie déjà à plus de 11 millions d'assurés couverts à 100% dont les femmes enceintes et malades chroniques depuis janvier 2017. Il est déjà quasi-généralisé pour ces catégories: 99% pour les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé et les malades chroniques et 90% pour les femmes enceintes, note le rapport.
Il devait donc être étendu à tous les patients le 30 novembre pour la partie des soins remboursés par la Sécurité sociale. Et là, ça coince un peu, estime les inspecteurs, même s'il progresse : la généralisation à tous les assurés du tiers payant pour la part Sécu est "techniquement réalisable (...) à brève échéance sous réserve que soit mis en oeuvre un accompagnement renforcé des professionnels de santé", estime l'Igas. Le rapport estime toutefois que, sur cette partie, les rejets de dossier sont faibles, de l'ordre de 1%, soit environ "un dossier par semaine pour un médecin généraliste" et 90% des paiements aux médecins sont faits sous quatre jours, relève-t-elle dans son rapport.
En revanche, pour le tiers payant complémentaire, l'objectif n'est "atteignable techniquement à compter de 2019 que pour certaines professions de santé" en raison de nombreux "freins techniques" dans les systèmes informatiques restant à lever, juge l'Igas. L'identification des droits des patients notamment est difficile et source de rejets de paiement.
Seuls 6,5% des actes de médecine générale en tiers payant intégral
La mission souligne également les "niveaux très variables" de pratiques selon les professions. Chez les pharmaciens, le tiers payant intégral sur les deux parts est quasi généralisé (93% des actes), idem dans les laboratoires d'analyse (91%). Il est aussi très important chez les infirmiers (75,5%), répandu chez les kinés (47%), centres de santé (45%) et radiologues (40%) mais le tiers payant intégral reste très faible dans certaines professions: dentistes (4%), médecins généralistes (6,5%) ou spécialistes (17%). Pour la partie Sécu, le tiers payant est respectivement pratiqué pour 20% des actes par les généralistes et 10% côté dentistes.
L'IGAS envisage ensuite deux scenarios: la suppression de l'obligation ou son report à 2019 (pour la part Assurance maladie). Sans trancher, elle souligne que la première option comporte un "risque de démobilisation des acteurs" et imposerait de remplacer l'obligation faite aux médecins par "un dispositif d'incitation".
Enfin, la mission recommande au gouvernement de "dissocier" le calendrier de déploiement. Pour la part de tiers payant complémentaire, elle suggère de confier une concertation à "une personnalité qualifiée" et de procéder par étapes: d'abord les professions les plus avancées (radiologues, centres de santé, auxiliaires), puis les autres (médecins et dentistes notamment).
Les syndicats saluent cette décision
La plupart des syndicats de médecins libéraux ont crié victoire lundi, après l'annonce de la ministre de la Santé. La CSMF a salué "la mort du tiers payant généralisé" tout en rappelant qu'elle "défend depuis toujours le tiers payant social pour les populations défavorisées" bénéficiant de la CMU ou de l'ACS, "et au-delà, laissé à l'appréciation du médecin". Le syndicat de Jean-Paul Ortiz rappelle qu'il "n’a eu de cesse de dénoncer le casse-tête administratif et bureaucratique engendré par un tel dispositif faisant du médecin un contrôleur au lieu d’un soignant et qui, au final, pénaliserait le patient". Le SML estime pour sa part que l'annonce de la ministre confirme qu'il "avait raison depuis le début". "Le médecin doit pouvoir rester libre de pratiquer ou non la dispense d’avance de frais, excepté pour les patients en CMU et ACS", confirme le président Philippe Vermesch.
MG France qui rappelle s'être "toujours opposé à la notion d'obligation en dénonçant l'absence de garantie de paiement pour le médecin généraliste", s'est aussi félicité de cette décision. Le président Claude Leicher poursuit que le syndicat "souhaite faciliter l'accès financier aux soins. La solution la plus efficace reste donc la suppression du ticket modérateur", propose-t-il. Jean-Paul Hamon, président de la FMF demande de son côté "que le ministère prenne désormais une disposition législative pour officialiser que le tiers payant ne sera pas obligatoire".
Plus nuancé, le syndicat des jeunes médecins généralistes ReAGJIR, rappelle qu'il avait pris position "en faveur du tiers payant intégral pourvu que les freins soient levés et la faisabilité réalisable", lors du premier rapport de l'Igas sur le sujet en 2013. "Nous constatons sur le terrain que la non pratique du tiers payant pose parfois problème (...). Quand nous envoyons certains patients chez des confrères qui ne pratiquent pas le tiers payant, les patients choisissent parfois de ne pas y aller, anticipant une dépense importante", écrit le syndicat.
La suspension du #TPG est-il un 1er pas vers la confiance retrouvée entre le gvnt et les médecins libéraux ? La @CSMF_officiel veut y croire
— CSMF_officiel (@CSMF_officiel) 23 octobre 2017
Le #SML salue le pragmatisme de la ministre de la Santé @agnesbuzyn et sa volonté d’ouvrir le dialogue #TiersPayant https://t.co/jUqZsJ1Q34-
— SML (@LE_SML) 23 octobre 2017
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