La dispensation protocolisée en officine est-elle pertinente ?
Philippe Besset : La FSPF soutient cette mesure de bon sens. Dans la réglementation des produits pharmaceutiques, on retrouve les produits listés, dits “substances vénéneuses”, et d'autres que le pharmacien a le droit de dispenser. C'est blanc ou noir. Persiste une zone de gris que la loi sur la dispensation protocolisée en officine doit permettre d'aménager. Médecins et pharmaciens vont travailler en commun sur ces cas spécifiques. La HAS devra également définir ces protocoles.
Dr Luc Duquesnel : Il faut avant tout se demander si cela correspond à un réel besoin, sur l’ensemble du territoire français. Lors du débat parlementaire en première lecture, j’ai entendu qu’il n’y avait plus de médecin généraliste en France, plus de garde la nuit et les week-ends. Les politiques ont eu tendance à montrer du doigt la profession. Certains, comme le député Thomas Mesnier, se sont fait le relais de situations décrites comme apocalyptiques. Attention à l’image que renvoient ces discours aux professionnels de santé. Dans mon département, la Mayenne – et il n'est pas le seul dans ce cas – tout besoin en médecine générale est assuré jour et nuit. Il faudra donc bien définir quels territoires requièrent une dispensation des médicaments soumis à prescription sans passer par le médecin.
Pensez-vous qu'une formation supplémentaire soit nécessaire pour le pharmacien ?
P. B. : Non, car nous sommes complètement formés sur les produits que nous délivrons. L’enjeu est de savoir dans quelles situations on peut se passer d’un examen clinique pour dispenser un médicament sans ordonnance, avec une simple anamnèse. Cela concernera certains produits, dans certains cas, dans certains territoires. Un arbre décisionnel est à la portée du pharmacien, pas l’examen clinique.
Dr L. D. : Ce qui importe, c’est la formation interprofessionnelle des acteurs, notamment sur l’écriture et la mise en charge d’un protocole, différents dans chaque territoire. Il ne s’agit donc pas de faire un copier-coller. Nous attendons impatiemment les nouvelles thématiques du développement professionnel continu car aujourd’hui, chacun se forme de son côté. Cela va tout changer et permettre de connaître les professionnels de son territoire.
La prescription en officine doit-elle être valorisée pour le pharmacien ?
P. B. : Aujourd’hui, notre mode de rémunération a été révolutionné et nous sommes payés à l’acte pour les dispensations d'ordonnances. Si c'est le généraliste qui m’envoie une ordonnance, je touche 8 euros. Si un patient vient m’acheter directement le produit dans le cadre d'un protocole, ma rémunération est de 1,50 euro. C’est donc bien le besoin des patients qui prime sur l’intérêt économique du pharmacien. Il ne sera pas moins complexe de dispenser sur protocole que sur prescription. Il faudra donc une majoration et une négociation conventionnelle, d'autant que la responsabilité du pharmacien sera engagée de façon différente.
Que diriez-vous aux généralistes encore réticents ?
P. B. : J'ai tendance à dire : “médecin est un métier et pharmacien également”. Chacun son expertise. Mais nous devons travailler ensemble. On parle de CPTS, d’assistants médicaux. Nous allons changer nos organisations respectives mais il faut le faire en interprofessionnalité et en respectant les missions de chacun. L’appel que je fais aux généralistes c’est : “n’ayez pas peur du changement”. Car de toute façon, si nous ne faisons pas évoluer nos pratiques, on les changera à notre place. Je rassure les médecins, rien ne se fera sur leur territoire sans leur accord.
Dr L. D. : Le bruit qu’a fait ce projet de loi ne correspond pas à la réalité de son contenu. Dans le texte soumis aux parlementaires, il y a bien cette notion de communauté professionnelle de territoire. Et c’est justement le message que je souhaite faire passer : il faut donner des outils au monde libéral pour s’organiser. Dans ce sens, les CPTS permettront aux médecins et pharmaciens de se coordonner sur le terrain pour la meilleure prise en charge possible des patients.
L'avis du Dr Luc Duquesnel :L'avis de Philippe Besset :
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