La concertation portant sur la réforme du financement de la psychiatrie s’est déroulée sur une période de deux ans. Elle a associé l’ensemble des fédérations d’établissements, des conférences de médecins et de directeurs, des représentants syndicaux, autour bien sûr du ministère de la Santé. La task force présidée par Jean-Marc Aubert avait inclus dans ses travaux de réforme la psychiatrie, à juste titre. Les différents rapports publiés au fil des ans (rapport Aubert, Igas…) ont tous noté un effondrement du financement du secteur public. Selon les conclusions du rapport Aubert, le financement du secteur privé lucratif progressait même trois plus vite que celui du secteur public au cours des cinq dernières années. À ce problème de fond se greffait une spécificité propre à la dotation annuelle de financement versée aux établissements publics, qui a été calibrée il y a quarante ans. D’où certains budgets octroyés aux hôpitaux décorrélés des réalités de prise en charge. Afin de mener à bien cette réforme stratégique, une vingtaine de réunions se sont déroulées à chaque fois d’une durée fleuve, cinq à six heures.
Mauvais signe en cas de report
À la fin de l’année 2020, nous étions arrivés à un projet de réforme qui, sans être complètement finalisé, était assez mature afin de tenir le calendrier fixé par le gouvernement d’une entrée en vigueur au 1er janvier 2021, dès lors que l’on mettait en place un dispositif transitoire pour sécuriser totalement les établissements, et poursuivre les travaux en 2021 pour finaliser le nouveau modèle, qui entrerait en vigueur progressivement. C’était d’autant plus important que la réforme de psychiatrie, comme celle des SSR d’ailleurs, relève de l’Arlésienne. On en parle depuis des années sans jamais qu’elles ne soient, au final, mises en œuvre. Alors que le ministre en septembre dernier s’était engagé sur l’application de la réforme, « il fallait à notre avis transformer l’essai », un très mauvais signe étant donné à la spécialité en cas de nouveau report. D’autant que les problématiques de santé mentale sont au cœur de la crise sanitaire.
Au 1er janvier 2021, l’entrée en vigueur de la réforme signifiait simplement la fin des deux modes distincts de financement, à l’activité pour les cliniques privées et par une dotation globale pour le public. Ce qui ouvrait une nouvelle ère pour la psychiatrie : un mode de financement commun à tous pour mener une politique de santé mentale unifiée, cohérente sur les territoires, adaptée aux spécificités des populations localement. Nous avions adressé un courrier signé en novembre dernier par tous les acteurs du service public, médecins, directeurs, ADESM, ainsi que la Fehap pour confirmer notre souhait de maintenir cette évolution positive au 1er janvier 2021, en proposant des aménagements pratiques crédibles pour tenir compte de la situation sanitaire. En substance, nous reconnaissions la nécessité d’organiser une montée en charge progressive de la réforme, de poursuivre les travaux avec l’ensemble des acteurs pour l’améliorer en 2021 voire en 2022 si nécessaire, de sécuriser les établissements pour qu’ils aient une visibilité totale sur leurs financement sur les 5 prochaines années. En résumé, plutôt qu’un report, nous proposions un aménagement qui sauve l’essentiel. Pour autant, la réforme devait bien être appliquée au 1er janvier 2021.
En pratique, le nouveau modèle reposait principalement sur un financement populationnel, pour environ 80 % du nouveau budget, mais les critères populationnels auraient été construits progressivement en 2021, voire 2022, ce qui laissait le temps de conduire la réforme tout en répondant à la crise sanitaire. D’ici à l’entrée en vigueur des critères populationnels, les critères antérieurs se seraient appliqués.
Financement populationnel
Le ministre a indiqué que la réforme était reportée du fait de la mobilisation des ARS par la crise sanitaire, qui ne disposaient pas assez de temps pour mener à bien les différents chantiers de la réforme.
Cet argument nous a semblé contestable pour deux raisons. En premier lieu, d’autres réformes de financement n’ont pas été déprogrammées. Citons celle des urgences qui repose à peu de chose près sur les mêmes vecteurs populationnels que ceux de la psychiatrie, à savoir le critère populationnel sur un territoire, mais avec des aspects plus complexes. D’autre part, dans la mesure où l’on avait proposé dans le courrier la possibilité d’un décalage d’une année pour la montée en charge des compartiments qui inquiétaient certaines ARS, il n’y avait plus d’objection technique à faire entrer dans le droit la réforme, à acter cette évolution.
Il faut enfin noter les arguments techniques étonnants brandis par le secteur privé lucratif pendant toute la préparation de la réforme. Ils n’auraient pas disposé des éléments de projection, n’auraient pas été associés alors qu’ils sont membres du groupe de travail. Il fallait donc reporter la réforme. Ces arguments ne tiennent pas. On a rappelé la durée et le nombre des réunions préparatoires. Sur le fond, le président de la FHP lors d’une rencontre avec le ministre des Solidarités et de la Santé en décembre 2020 a bien confirmé que son opposition à la réforme n’était pas technique mais de principe. Il ne souhaite pas changer de système. En fait, l’actuel financement au prix de journée se révèle très lucratif pour les cliniques. D’autant qu’à la différence de la T2A en MCO, il n’y a pas de régulation prix-volume. L’enveloppe peut donc être dépassée. Le secteur public, qui assure la très grande majorité des prises en charge et l’essentiel des prises en charge lourdes est en revanche dans une enveloppe fermée qui contraint mécaniquement les dépenses. Structurellement, nous sommes dans une situation inéquitable, et n’avons pas encore les outils pour financer de façon pertinente et équitable la psychiatrie. Et cela se traduit sur le terrain, au moment où les conséquences sanitaires de la crise sont très importantes en termes de santé mentale. D’où notre volonté de maintenir la réforme, pour l’intérêt général.
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