EN OCTOBRE 2009, le président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), Étienne Apaire, a saisi le CCNE pour avis sur la question du dépistage des produits illicites au travail. D’après la MILDT, environ 10 % des salariés consommeraient régulièrement ou occasionnellement des produits illicites au travail. Essentiellement du cannabis, de la cocaïne et des amphétamines. Cette consommation demeure « très variable » en fonction des catégories socioprofessionnelles, avec une faible prévalence chez les agriculteurs (2,7 %), à l’inverse des professionnels des arts et du spectacle (17 %). Dans son avis rendu public la semaine dernière, le CCNE a estimé que la réflexion devait englober « l’ensemble alcool et produits illicites ainsi que les abus de médicaments psychotropes ». En effet, explique le comité « la distinction entre l’alcool et les produits illicites demeure, certes, essentielle au plan juridique et pénal. Mais elle est due surtout à des facteurs historiques et sociologiques et ne s’appuie », comme
le soulignait déjà un avis de 1994, « sur aucune base scientifique ». Pour le CCNE, « les dangers que
leur consommation est susceptible d’entraîner pour les individus sont les mêmes : l’addiction qui est une maladie et le syndrome du sevrage ». Les risques en milieu professionnel restent très majoritairement liés à la consommation d’alcool. « Une attention particulière doit être portée à la consommation conjointe d’alcool et de médicaments psychotropes », ajoute le comité.
Dépister n’est pas anodin.
L’alcool occupe une place « très majoritaire » dans les comportements toxicomanes en milieu professionnel et reste impliqué dans 10 à 20 % des accidents de travail déclarés. S’agissant des produits illicites, leur usage en milieu professionnel demeure mal connu, un « signe clair du tabou social qui entoure encore le sujet », selon le CCNE. Pénibilité, stress au travail, déshumanisation des rapports dans certaines grandes entreprises, « le contexte professionnel peut jouer un rôle important dans le développement de l’usage de l’alcool, de produits illicites et de médicaments psychotropes », note-t-il.
En réponse à la question posée par la MILDT, le CCNE souligne que « dépister n’est pas un geste anodin » et que le « dépistage en milieu de travail a besoin de justifications fortes pour être pratiqué ». De plus, indique-t-il, « l’attachement de notre société à l’autonomie ne s’accommoderait pas durablement d’une multiplication de mesures coercitives sur le lieu de travail ».
Il estime donc, qu’à condition de relever uniquement d’une intervention à titre dérogatoire le dépistage médical de l’usage de produits illicites en milieu de travail s’avère « acceptable au plan éthique ». En effet, « lorsqu’une personne exerce une profession qui l’expose à mettre en danger la sécurité de ses semblables, l’exigence de justice rend légitime les mesures de prévention qui sont de nature à éloigner le tort qu’il risque de leur causer », explique le CCNE. Ce dépistage est même « souhaitable et justifié pour les postes de sûreté et de sécurité », c’est-à-dire « tous les postes comportant un enjeu de sécurité et exigeant une vigilance particulière destinée à protéger non seulement le travailleur lui-même, mais aussi ses collègues, et les clients ou les usagers de l’entreprise ». Néanmoins, plutôt qu’imposer une nouvelle réglementation mentionnant explicitement les « postes de sûreté et de sécurité » en milieu professionnel, le CCNE juge préférable de laisser aux entreprises, le soin de les définir elles-mêmes.
Bien informer les salariés.
En conclusion de son avis, le comité émet plusieurs recommandations pour encadrer ce dépistage dérogatoire des populations identifiées comme à risque au sein de l’entreprise. Pour le CCNE, il est primordial de « s’assurer que toute personne qui exerce un métier à un poste de sûreté et de sécurité nécessitant un haut degré de vigilance permanent » soit au préalable « informée qu’elle pourra faire l’objet d’un dépistage de prise d’alcool ou de produits illicites ». Par ailleurs, ce dépistage devra en pratique respecter des valeurs éthiques essentielles que sont « le respect des libertés individuelles, le secret médical et la confidentialité sur les données personnelles, l’intérêt collectif de santé publique et la protection des tiers ». Le comité propose également quelques « pistes à explorer » pour mieux prévenir les comportements à risques liés à l’usage de drogues licites et illicites en milieu professionnel. Pour le CCNE, il serait ainsi utile de « promouvoir une large campagne d’information sur les effets de la consommation de l’alcool, des produits illicites et de l’abus de médicaments psychotropes » au travail. Des programmes de sensibilisation sur la consommation de ces produits en milieu professionnel pourraient être mis en place à tous les niveaux de formation, du CAP au doctorat. Enfin, le CCNE souligne l’importance de mettre effectivement en place des « services de santé au travail » en dotant la médecine du travail des moyens nécessaires.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024