EN FRANCE environ 40 000 conisations sont pratiquées annuellement et l’incidence des lésions précancéreuses est en augmentation dans la tranche d’âge des 25-34 ans. « En Alsace, le taux de conisation est important, souligne le Pr Jean-Jacques Baldauf, car le niveau de dépistage est important. Mais seulement 63 % de ces conisations correspondent à des lésions précancéreuses ». Ne pourrait-on pas alors faire l’économie de certaines conisations ? Et y a-t-il une place pour la désescalade thérapeutique dans le cancer invasif précoce ?
La question du non-traitement des lésions précancéreuses se pose car une proportion de plus en plus importante de femmes devant être traitées pour une CIN (Cervical intraepithelial neoplasia) envisagent encore des grossesses ultérieures, voire n’ont pas encore d’enfant. Dans tous les cas, la première règle d’or est « jamais de traitement sans colposcopie préalable ». En Alsace, pour plus de 500 000 femmes suivies dans le cadre du dépistage organisé, on constate que parmi les patientes ayant eu une conisation, un tiers n’avait pas eu de biopsie préalable !
«Les CNI1 ne sont pas des lésions précancéreuses, insiste le Pr Baldauf, ce sont juste la marque histologique d’une infection virale. Entre 26 et 70 % des CNI1 régressent (1). Deux options sont alors possibles : la surveillance ou le traitement immédiat ». Le principal avantage de la surveillance est d’éviter de traiter une lésion qui aurait pu guérir spontanément. À l’inverse, elle expose au risque de progression des lésions, voire au développement d’un cancer. Pour éviter cette évolution les modalités de surveillance doivent être strictes. Une évaluation cytocolpohistologique est recommandée tous les 6 mois pendant 2 à 3 ans. Un traitement peut être proposé en cas de lésions persistantes au-delà de 24 mois ou en cas d’aggravation.
Surveillance colpo-histologique.
Selon les études qui apportent des preuves histologiques, les CIN2 régressent dans près 40 % des cas. Donc à partir du moment ou la colposcopie et la biopsie confirment la CIN2 et qu’il s’agit d’une femme jeune, lorsque la zone de transformation est entièrement visible, que l’extension de la lésion est limitée, et qu’enfin la biopsie est confirmée histologiquement alors qu’il n’y a pas de suspicion histologique de cancer, il est possible de demander une surveillance colpo-histologique tous les 6 mois, sous réserve que les femmes reviennent bien tous les 6 mois (2).
Quant au CIN3, il est clair que c’est une lésion précancéreuse, la conisation est le traitement de référence. Il faut mettre en parallèle les prévalences des HPV dans les CIN3 et les cancers (3). Le HPV16 est majoritaire dans les CIN3 et le reste dans les cancers mais la durée moyenne d’évolution est de 15 ans. « Il faut s’en méfier considérablement », insiste Jean-Jacques Baldauf. Le HPV18 est minoritaire dans les CIN3 mais multiplie sa prévalence par 4 dans les cancers ; la durée d’évolution est en moyenne de 11 ans. Le HPV45 est, quant à lui, présent à 1,4 % dans les CIN3 et multiplie par 3 sa prévalence dans les cancers. L’évolution est de 1 an. « La présence virale ne peut pas constituer aujourd’hui un outil prévisionnel valable de l’évolution de la CIN3 et la prudence impose la conisation, souligne le Pr Baldauf. Il n’y a que la grossesse qui puisse déroger à l’urgence ». En outre, chez les femmes très jeunes âgées de moins de 25 ans il faut savoir que les lésions sont davantage susceptibles de régresser spontanément (75 % sur 36 mois) (4).
Quant à l’adénocarcinome in situ, ses particularités et plus particulièrement les difficultés de son diagnostic et de sa surveillance expliquent les modalités thérapeutiques qui privilégient l’exérèse large souvent complétée par une hystérectomie secondaire.
En conclusion, en France le dépistage du cancer du col est recommandé à partir de 25 ans. Respecter cette recommandation permettrait sans aucun doute d’éviter bon nombre de traitements inutiles de CIN.
Communication du Pr Jean-Jacques Baldauf, service de gynécologie et d’obstétrique, hôpital Hautepierre, Strasbourg.
(1) Bansal N. et al. Natural history of established low grade cervical intraepithelial (CIN 1) lesions. Anticancer Res. 2008 May-Jun ;28(3B) :1763-66.
(2) Guedes AC et al. Short-term outcome of cervical intraepithelial neoplasia grade 2 : considerations for management strategies and reproducibility of diagnosis. Anticancer Res 2010 ;30:2319-23
(3) Tjalma WA et al. Differences in human papillomavirus type distribution in high-grade cervical intraepithelial neoplasia and invasive cervical cancer in Europe. Int J Cancer. 2013 Feb 15 ;132(4):854
(4) Fuchs K et al. Management of cervical intraepithelial neoplasia 2 in adolescent and young women. J Pediatr Adolesc Gynecol. 2007 Oct;20(5):269-74.
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