« Nous sommes bien sûr tous conscients de la situation économique difficile dans laquelle se trouve la France et la nécessité d’arriver à équilibrer les comptes sociaux. Mais nous aimerions quand même que l’on prenne enfin des mesures à la hauteur des ambitions qui vont devoir être les nôtres pour continuer à pratiquer des soins innovants en cancérologie », explique le Pr Josy Reiffers, président de la fédération UNICANCER, qui regroupe les 20 centres de lutte contre le cancer existant en France. « Nous avions déjà fait ce constat il y a un an lors de la présentation du plan cancer 3. Et force est de constater que, depuis un an, les choses n’ont pas vraiment bougé en dépit de quelques avancées. Nous ne demandons pas une enveloppe supplémentaire pour assurer la prise en charge des patients atteints de cancer. Nous souhaitons juste avoir une meilleure répartition dans l’attribution des financements aux établissements de santé, que ce soit au niveau des tarifs ou des enveloppes missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC) », ajoute-t-il.
Ambulatoire
Pour appuyer son propos, le président d’UNICANCER met en avant l’étude Evolpec « Quelle prise en charge des cancers en 2020 ? », réalisée par la fédération et rendue publique en octobre 2013. Cette étude montrait que la prise en charge du patient va évoluer vers des séjours hospitaliers plus courts, dus notamment à l’augmentation de la chirurgie ambulatoire, à la réduction du nombre des séances de radiothérapie et au développement des chimiothérapies orales ou en hospitalisation à domicile.
« Cette étude montre notamment qu’avec l’avènement des thérapeutiques ciblées, la chimiothérapie va être de plus en plus prise à la maison ou sur le lieu de travail. Mais elle devra toujours être prescrite et surveillée dans des établissements de santé spécialisés. On devrait donc assister à un turn over des patients de plus en plus important dans les établissements, ce qui va nécessiter d’avoir de plus en plus d’oncologues médicaux pour voir ces patients en consultation », indique le Pr Reiffers, en ajoutant que ces consultations vont être plus longues. « Nous demandons donc des mesures pour former davantage d’oncologues et une revalorisation des tarifs de consultation et de prescription des chimiothérapies. Mais pour l’instant, nous n’avons obtenu aucune avancée dans ce domaine ».
L’étude Evolpec montrait aussi que la chirurgie ambulatoire en cancérologie devrait doubler d’ici 2020. « Sur ce point, il reste beaucoup à faire au niveau des financements, mais on a quand même obtenu une petite avancée puisque le tarif de certaines chirurgies ambulatoires a été revalorisé », indique le Pr Reiffers, qui se montre en revanche plus réservé sur la radiothérapie. « Notre étude a montré que, grâce à des techniques plus performantes, la radiothérapie va devenir de plus en plus précise mais que le nombre de séances va se réduire. Pour accompagner cette évolution, nous souhaitons que la radiothérapie ne soit plus valorisée à la séance mais au forfait. En effet, si le nombre de séances va diminuer, chaque séance va durer plus longtemps. On nous a promis que ce passage au forfait allait être mis en place mais pour l’instant, ce n’est pas encore le cas », constate le président d’UNICANCER.
Radiologie interventionnelle
L’étude Evolpec avait aussi mis en évidence le développement à venir de la radiologie interventionnelle pour détruire des tumeurs par des actes moins invasifs pour les patients. « Alors que le nombre de radiologies interventionnelles augmente dans tous les centres qui en font, là, encore, c’est le statu quo en matière de financement, déplore le Pr Reiffers, en évoquant une dernière évolution importante des années à venir : la caractérisation génétique de plus en plus importante des tumeurs. En 2020, le nombre de cancers pour lesquels l’anomalie génétique va permettre de guider les traitements sera multiplié par sept. Nous allons donc devoir faire face à des besoins considérables en anatomopathologistes, en bio-informaticiens et en structures de génétique moléculaire. Et, pour l’instant, on ne voit pas venir grand-chose pour les établissements, où bien souvent ces activités nécessitant des séquenceurs à haut débit ne sont pas intégralement financées ».
Sinon, le Pr Reiffers estime que les enveloppes MIGAC-MERRI ont un peu « tendance à servir de variables d’ajustement en période de restriction budgétaire. Dès qu’il s’agit de faire des économies, on n’hésite plus à rogner sur ces enveloppes voire à les supprimer ».
Au final, le président d’UNICANCER tient quand même à souligner deux points positifs. « À notre demande, il a été créé un comité de réforme de la tarification hospitalière (Coretah) spécifiquement dédié à la cancérologie. C’est un lieu où nous nous faisons activement entendre, même si pour l’instant cela n’a pas entraîné beaucoup de mesures concrètes. Par ailleurs, on s’est longtemps plaint des délais beaucoup trop longs pour le remboursement des thérapeutiques innovantes. On a finalement obtenu que soit inscrit dans la loi le fait que l’Assurance-maladie ait désormais un délai contraint pour se prononcer à partir du moment où la Haute autorité de santé (HAS) a donné son avis. Il faut maintenant que cela progresse sur l’amont, car bien souvent la saisine de la HAS reste beaucoup trop longue ».
D’après un entretien avec le Pr Josy Reiffers, président de la fédération UNICANCER
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