L’élément le plus novateur des recommandations 2023 de la Société européenne d’hypertension (ESH), présentées au congrès, est d’inclure des chapitres spécifiques sur l’hypertension artérielle (HTA) de l’enfant et de l’adolescent et d’aborder des comorbidités fréquentes, qui relèvent d’une prise en charge spécifique.
En ce qui concerne la prise en charge tout-venant, l’ESH insiste surtout sur les nouveaux facteurs de risque, l’évaluation de l’atteinte des organes-cibles, des indications plus larges pour la recherche des HTA secondaires, avec une certaine place pour la dénervation rénale.
Des facteurs physiopathologiques émergents
Au cours des dernières années, de nouvelles preuves ont été apportées sur l’importance de la génétique, avec actuellement plus de 1 000 facteurs identifiés. On a aussi identifié de nouveaux facteurs environnementaux, comme la pollution de l’air et le bruit (lire p. 32).
Plus récemment, les conséquences pressogènes de la dysbiose microbienne intestinale ont également été identifiées. « Le système immunitaire est également susceptible de jouer un rôle physiopathologique, avec des effets qui seraient principalement médiés par l’inflammation, et impliqués non seulement dans la régulation de la PA, mais aussi dans l’apparition et la progression de l’atteinte des organes cibles », explique la Pr Renata Cifkova (République tchèque).
L’atteinte des organes cibles au cœur du bilan
La définition de l’HTA reste inchangée, soit une PAS ≥ 140 et/ou PAD ≥ 90 mmHg, mesurées à plusieurs reprises à la consultation. Une définition arbitraire mais qui correspond au seuil de PA au-delà duquel l’intervention apporte plus de bénéfices que l’inaction. Le rôle de la mesure ambulatoire est confirmé, à préférer celle de consultation toutes les fois où cela est possible. Les appareils sans brassards sont exclus.
La classification en fonction des valeurs de PA complétés par la présence ou non d’atteinte des organes cibles, ou de diabète de type 2 (DT2), reste identique : stade 1, HTA non compliquée ; stade 2, atteinte d’un organe cible ou insuffisance rénale (IR) de stade 3 ou DT2 ; stade 3, pathologie cardiovasculaire avérée ou IR stade 4 ou 5.
Un bilan initial clinique, biologique (HbA1c, glycémie, hématocrite, bilan lipidique, sodium, potassium, acide urique, calcium, fonction rénale) est indispensable, associé au minimum à un électrocardiogramme (ECG), à compléter en fonction du contexte. L’imagerie peut permettre de dépister des atteintes infracliniques à un stade où elles sont potentiellement réversibles, mais elle est limitée par le coût. « L’évaluation des organes cibles est essentielle car leur atteinte aggrave le niveau de risque du patient, qui peut être sous-estimé par les scores classiques, et modifier le pronostic et le type de traitement », insiste le Dr Thomas Weber (Autriche). Il est désormais fortement conseillé de vérifier la variabilité tensionnelle (lire aussi p. 32) chez les hypertendus traités, pour qui la protection des organes dépend du temps passé sous la cible.
La recherche d’une HTA secondaire voit ses indications élargies : on n’en connaît pas exactement la prévalence mais on sait qu’elle est généralement à haut risque, du fait de sa fréquente résistance et d’une atteinte des organes cibles plus marquée. Il faut y penser en particulier devant une HTA sévère, survenant avant 40 ans, avec un début ou une aggravation rapide, une résistance et une atteinte des organes cibles disproportionnée par rapport à la durée et la sévérité de l’HTA.
Quelques nuances thérapeutiques
On ne relève pas de grands changements dans le traitement. La prise en charge hygiénodiététique s’impose dès que la PA est normale/haute (≥ 130/80 mmHg) ; il est maintenant recommandé d’augmenter la consommation de potassium alimentaire, qui aurait montré des effets bénéfiques sur la tension.
De 18 à 79 ans, le traitement pharmacologique est instauré lorsque la PA est ≥ 140/90 mmHg ; après 80 ans, il est proposé au-delà de 160 mmHg, mais une borne inférieure de PAS peut être envisagée : elle ne sera jamais sous 120/70 mmHg. Les patients à haut risque, en particulier les coronariens, doivent avoir leur PA maintenue en dessous de 130/80 mmHg. « Si le traitement est bien toléré, l’âge ne doit pas être considéré comme un obstacle. Un essai récent a montré qu’entre 70 et 84 ans, une baisse de la PAS s’accompagne d’une diminution de 30 % des évènements cardiovasculaires majeurs, rappelle le Pr Athanase Benetos (Nancy). Mais on manque encore d’essais randomisés sur la population âgée très fragile. »
Sans surprise, on recommande de débuter par une bithérapie — sauf chez les patients à faible risque, avec une HTA stade 1 ou âgés — en préférant un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC)/antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II), associé à un inhibiteur calcique (Ica) ou à un diurétique, les bêtabloquants gardant des indications bien spécifiques.
Comme dans les recommandations précédentes, les associations fixes (polypills) sont à privilégier. L’heure de prise est laissée au choix du patient.
À noter que l’inhibiteur du récepteur de l’angiotensine-néprilysine (ARNi) est approuvé comme antihypertenseur en Chine et au Japon, pas en Europe ni aux États-Unis.
Enfin, la dénervation rénale doit être envisagée dans l’HTA résistante si le débit de filtration glomérulaire (DFG) est supérieur à 40 ml/min. S’il est inférieur à 30 ml/min, il est recommandé d’associer diurétiques de l’anse et thiazidiques.
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