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Dossier

Cardiologie

Prévention toute !

Publié le 30/03/2018
Prévention toute !

Infarctus
SPL/PHANIE

Le congrès américain de cardiologie a salué diverses avancées dans la prise en charge des facteurs de risque, en particulier métaboliques. Avec en invité d'honneur, un hypolipémiant de la classe des anti-PCSK9, l’alirocumab, qui après l'évolocumab dans l'étude Fourier, fait preuve à son tour d’une efficacité sur la morbidité cardiovasculaire dans l'essai Odyssey Outcomes.

Alors que la France prend son temps pour ouvrir grand la porte aux anti-PCSK9 et hésite à donner son feu vert aux gliflozines, ce sont justement ces deux classes médicamenteuses qui ont tenu le haut du pavé lors du récent congrès de l’American College of cardiology (ACC, Orlando 10 au 12 mars).

Moins 15 % d’évènements CV sous alirocumab

La présentation de l’étude Odyssey Outcomes a constitué le point d’orgue de cette édition 2018. « Avec cette étude où l’alirocumab réduit très significativement les évènements cardiovasculaires (CV) majeurs chez les coronariens, on vient encore de franchir un cap dans la lutte contre le LDL cholestérol », se félicite le Pr Yves Cottin (Dijon).

Cet essai a inclus 18 924 patients ayant fait un syndrome coronarien aigu dans les 1 à 12 mois précédents et gardant un LDL > 0,7 g/l malgré un traitement par statines à forte dose ou dose maximale tolérée ; certains recevant en plus de l’ézétimibe. Ces patients ont été randomisés pour recevoir soit un placebo, soit de l’alirocumab. Celui-ci était administré à la dose de 75 mg en sous-cutané tous les 15 jours, voire 150 mg en fonction de la réponse du LDL, que l’étude visait à amener entre 0,25 et 0,5 g/l. Après après un suivi moyen de 2,8 ans, le LDL était réduit de 54,7 %, passant ainsi de 0,87 g/l en moyenne à 0,53 g/l. « Ces niveaux très bas de LDL ont été bien tolérés, en particulier sur le plan neurologique, les seuls effets indésirables concernant des réactions au point d’injection », note le cardiologue. 

Ce qui retient surtout l’attention, c’est la réduction de 15 % (p = 0,0003) des évènements CV, évaluée sur le critère primaire (décès d’origine CV, IDM, AVC, hospitalisation pour angor instable). Les auteurs ne rapportent pas de réduction de la mortalité coronaire. En revanche, la mortalité totale était réduite de 15 %, mais ce résultat ne peut être mis en avant, cet item n’étant qu’un critère subsidiaire.

Dans les analyses post-hoc portant sur des sous-groupes pré-spécifiés, on remarque une réduction de 29 % de la mortalité totale et une baisse de 24 % du risque d’événements CV majeurs chez les sujets dont le LDL était ≥ 1 g/l à l’inclusion. Un sous-groupe de patients qui pourrait bénéficier en premier lieu de ces nouveaux hypolipémiants.

Ces résultats confirment ceux de l’étude Fourier menée avec un autre anti-PCSK9, l’évolocumab, chez des coronariens plutôt stables. 

Plus anecdotique, une nouvelle formulation sublinguale de la rosuvastatine, prescrite à 21 personnes ayant une réelle intolérance aux statines s’est montrée efficace à faire baisser le LDL tout en ne provoquant pas plus de myalgies que dans le groupe contrôle. D’autres études sont nécessaires pour vérifier que l’absence d’effets musculaires est bien liée à cette forme sublinguale.

Les cardiologues saluent aussi les résultats spectaculaires en termes de prévention de la morbimortalité CV apportés par certains antidiabétiques oraux, comme les inhibiteurs de SGLT2 (ou gliflozines). Le registre international CVD real-2 montre chez plus de 470 000 diabétiques que ces médicaments s’associent à une diminution du risque d’évènements CV par rapport aux autres anti-diabétiques. Ainsi, la mortalité toute cause est réduite de 49 %, les hospitalisations pour IC de 36 %, les AVC de 32 % et ce quels que soient l’origine ou les antécédents des patients.

HTA, les bons résultats de la trithérapie d’emblée

Même dans l’HTA, une nouvelle stratégie pourrait se révéler payante. L’étude Triumph a testé pour la première fois l’instauration d’une trithérapie à des posologies très faibles (20 mg de telmisartan, 2,5 mg d’amlodipine, 12,5 mg de chlorthalidone) en première intention dans une HTA modérée. À 6 mois, 70 % des patients atteignent l’objectif tensionnel (PA < 140/90 mmHg et < 130/80mmHg pour les diabétiques et/ou insuffisants rénaux) vs 55 % avec le traitement usuel. « L’association thérapeutique qui se base sur la synergie entre les molécules, permet de réduire les effets indésirables, d’améliorer l’observance et éviterait l’inertie médicale », explique le spécialiste. 
En revanche, « force est de constater que les essais de prévention de la cardiotoxicité des anticancéreux sont actuellement un échec ». Les chimiothérapies classiques et les thérapies ciblées, voire l’immunothérapie, exposent à un risque d’insuffisance cardiaque. Prévenir le déclin de la FEVG par des IEC ou des bêtabloquants semblait logique. Malheureusement, les deux études présentées à l’ACC sont négatives, qu’il s’agisse du carvedilol chez les patientes traitées par anthracyclines pour un cancer du sein, du lisinopril ou du carvedilol dans les cancers du sein traités par trastuzumab avec ou sans anthracyclines. 

Enfin, alors que l’hyperuricémie augmente le risque CV, l’étude Cares a cherché à savoir quelle était la molécule susceptible de réduire le mieux ce risque chez plus de 6 000 patients atteints de goutte sans antécédent CV. Après un suivi moyen de 32 mois, on ne constate pas plus d’évènements CV majeurs sous febuxostat que sous allopurinol (environ 10 %). Par contre, la mortalité CV et globale est supérieure sous febuxostat sans qu’on en comprenne bien le mécanisme. L’allopurinol reste un standard pour baisser l’uricémie en attendant d’autres études.

En bref...
Coke en stock : Aux USA, 20 % des personnes faisant un syndrome coronaire aigu (SCA) avant 50 ans consomment de la cocaïne et ou de la marijuana, lesquelles s’associent à une mortalité cardiovasculaire et de toute cause majorée après un IDM. 
L’HTA tirée par les cheveux : « Délocaliser » la prise en charge de l’HTA chez le coiffeur pourrait vraiment améliorer le contrôle des patients, selon une étude réalisée chez des Afro-Américains atteints d’HTA résistante. Dans ce travail, une PA < 130/80 a été obtenue chez 64 % des sujets bénéficiant d’une intervention active guidée par un soignant dans leur salon de coiffure habituel.
Antiagrégant, revenir aux fondamentaux La tendance semblait favoriser une réduction de la bithérapie par antiagrégant plaquettaire (AAP) après un SCA. L’étude Smart remet les pendules à l’heure en montrant un risque accru d’IDM en cas d’arrêt à 6 mois. « Il faut un retour aux fondamentaux et maintenir la bithérapie 12 mois si elle est bien tolérée », note le Pr Cottin.