Comme chez les adultes, la demande de soins de transition est croissante chez les mineurs depuis 10 ans. Cette dynamique suscite en France, mais aussi à l’international, des débats sur les ressorts, la balance bénéfices/risques de soins de transition précoces ainsi que sur l’information et le consentement éclairé des jeunes et de leurs familles.
Des groupes critiquent les recommandations internationales de l’Association mondiale des professionnels pour la santé transgenre (WPATH) et s’inquiètent d’une prise en charge trop précoce susceptible de provoquer des regrets ultérieurs. « Comme sur tous les sujets polémiques, il y a urgence à calmer le jeu, dépassionner le débat et réfléchir à partir des faits », invite le Dr Hervé Picard, généraliste, médecin de santé publique et co-auteur d’un rapport sur les parcours de soins des personnes trans, remis au ministre de la Santé en début d'année.
Le document souligne l’absence de données globales sur le nombre de jeunes en interrogation de genre. « L’importance du sujet justifierait de conduire une enquête auprès des services (hospitaliers et maisons des adolescents) et professionnels libéraux accompagnant des mineurs trans », est-il souligné. Selon la Caisse nationale d'Assurance-maladie (Cnam), 294 bénéficiaires de l’affection de longue durée (ALD) permettant la prise en charge des soins de transition avaient moins de 18 ans en 2020 (huit en 2013).
Une décision toujours collégiale
Leur parcours est assuré dans des centres dédiés avec des équipes pluridisciplinaires, dont les pratiques s’appuient sur les recommandations internationales de la WPATH et de l’Endocrine Society. « La prescription est très encadrée en France, plus que chez les adultes, rassure la Pr Anne-Sophie Lambert, pédiatre endocrinologue à l'hôpital Bicêtre (AP-HP). Rien n’est fait à la légère, malgré le sentiment d’urgence exprimé par certains mineurs. »
« L’accompagnement commence par une rencontre avec un professionnel de la santé mentale qui évalue s’il y a une souffrance associée, souligne la pédiatre. Les éventuels traitements hormonaux n’interviennent qu’après au moins un an de suivi et majoritairement à partir de 16 ans. » La décision d’une hormonothérapie, à base de testostérone ou d’œstrogène associée à des bloqueurs de puberté, n'est prise, avec le consentement du mineur et de ses parents, qu’après discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), associant psychiatre, endocrinologue, pédiatre, mais aussi juriste et représentant associatif. Aussi, « un bilan hormonal initial est réalisé en hôpital de jour, nous permettant de surveiller ce qui se passe sous traitement », indique-t-elle. Deux années de suivi sont ainsi nécessaires avant qu’un traitement ne soit initié.
Des pratiques encore tâtonnantes
« Les interventions chirurgicales sur les organes génitaux ne sont pratiquées qu’à partir de 18 ans », rappelle la Dr Lambert. L'âge de 16 ans a été fixé pour les hormonothérapies, mais, au cas par cas, des bloqueurs de puberté peuvent être envisagés avant ce seuil. « On peut être amené à discuter d'un traitement de bloqueurs de puberté à des ados à la puberté débutante et quand la souffrance est trop importante », témoigne la pédiatre.
Ces bloqueurs, également utilisés avant 16 ans dans la prise en charge de la puberté précoce, induisent une mise en repos de la puberté. « Les adolescents n’ont plus d’hormones de puberté, ce qui va impacter leur pic de croissance osseux et leur minéralisation osseuse à un âge donné », explique la Dr Lambert. La prise en charge implique une surveillance de l'ostéodensitométrie des adolescents concernés. Une fois la puberté induite dans le sexe souhaité, l'impact initial des bloqueurs « se corrigera » sous l'effet de l'hormonothérapie, ajoute-t-elle.
Le suivi consiste ensuite en une ostéodensitométrie réalisée tous les deux ans et un bilan annuel pour encadrer la prescription hormonale. « La littérature ne fait pas ressortir d’effets délétères majeurs des bloqueurs chez les adolescents, poursuit la pédiatre. Seule l’hormonothérapie à base de testostérone a un effet irréversible sur la virilité. L’information de l’adolescent.e et de sa famille est toujours une étape indispensable. »
Si la balance bénéfices/risques de ces traitements, en partie irréversibles, fait débat, les travaux internationaux tendent à montrer une amélioration du bien-être global des jeunes concernés. « La prise en charge est encore en pleine évolution », reconnaît la Dr Lambert. Mais pour ces jeunes qui peuvent cumuler des facteurs de vulnérabilité importants (déscolarisation, troubles anxieux, tentatives de suicide…), « le bénéfice est réel », estime-t-elle.
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